Pourtant, à l’ombre de ces géants, il développa son art subtil, très français, teinté forcément par l’influence du bel canto italien à la mode en ce XIXème siècle qui nous laisse tant de chef d’œuvres.
Du haut de ses quatorze ans, et avec dix-huit deniers en poche, ce natif de Rouen est parti à pied pour tenter sa chance à Paris. Dans ses bagages, une solide pratique du clavecin et du culot, pour ne rien dire de son talent.
Ses deux premiers opéras "La Famille suisse" et "L’Heureuse nouvelle", composés peu après son arrivée dans la capitale, le propulsent déjà sur l’avant de la scène avant son premier vrai triomphe, "Le Calife de Bagdad", qui lui ouvre les portes de la cour du tsar Alexandre 1er de Russie.
C’est la consécration, le temps des honneurs (la barrette rouge, nommé à l’Académie des Beaux Arts), ce qui ne l’empêche pas de continuer activement la composition.
"Une élégance parisienne"
Boieldieu traversa la révolution et la terreur, l’empire, la restauration, la révolution de juillet. Ses mélodies fluides et sans ornements superflus se mettent au service d’une instrumentation légère et soignée. Berlioz lui même reconnaissait à ses airs une "élégance parisienne de bon goût qui plaît".
Si Boieldieu attachait une grande importance au livret, c’est aujourd’hui cette partie de "La Dame Blanche" qui a le plus vieilli. L’intrigue, qui convoque Shakespeare par moments, est pleine de fantaisie mais cousue d’un fil de la même couleur que la robe de l’héroïne. On ne s’ennuie pas, mais l’on sourit devant une naïveté qui à l’époque paraissait audacieuse.
Les représentations prévues à l’Opéra de Nice en janvier ayant été annulées, l’une a été "captée" en très bonne qualité (4K) et se trouve disponible gratuitement jusqu’à la fin avril. Mise en scène par Pauline Bureau, cette Dame blanche se regarde fort agréablement, tandis que le Philharmonique et les chœurs de l’Opéra sont véloces sous la baguette de la cheffe Alexandra Cravero. Ajoutons les belles voix des protagonistes, et il y a de quoi passer un excellent moment en espérant peut-être un jour une représentation... en présentiel !