Dès que le rideau se lève, le décor stupéfie chaque spectateur (surtout dans les dorures de l’Opéra de Nice) : un quartier zonard où de multiples graffitis recouvrent tous les murs - il ne reste pas un centimètre qui ne soit tagué -, et des dealers qui traficotent dans tous les coins, tandis que des HLM s’alignent à l’infini...
C’est devant un bistrot de ce faubourg pourri qu’on découvre Falstaff : il vient d’écrire exactement la même lettre d’amour à deux femmes de la « haute bourgeoisie ».
Changement de décor, tandis qu’un astucieux intermède vidéo de Paulo Correia nous fait circuler par des couloirs souterrains, des parkings, des voies rapides, jusqu’à atteindre des sous-bois avec biche, avant de découvrir une luxueuse villa - avec piscine - où les deux femmes amies reçoivent les lettres de Falstaff et s’amusent de constater qu’elles sont totalement identiques.
« Il veut encore caqueter comme un jeune coq », dit l’une d’elles. Falstaff ne voit pas qu’il a vieilli, pris de la bouteille et croit toujours au pouvoir de séduction de sa jeunesse. Elles vont vouloir lui donner une leçon ainsi que leurs maris qui ont, par ailleurs, connaissance des manoeuvres de Falstaff et veulent aussi se venger. « Ta femme compromet ton honneur, ta maison et ton lit ! » dit l’un à l’autre qui lui répond : « Mariage = enfer ! Femme = démon ! »
On peut constater que Verdi, âgé de 80 ans, s’amusait comme un fou avec son gargantuesque Falstaff !
D’ailleurs, la vengeance exécutée sera seulement de jeter Falstaff tout habillé pour un bain dans la piscine de luxe...
De retour dans son quartier zonard, Falstaff, seul en scène, est fourbu, avec de sombres pensées sur les limites de la vie à son âge : « Que c’est bon ! Un verre de vin et s’étendre au soleil ! »
La grande subtilité de cette oeuvre endiablée joue sur la juxtaposition de ce jouisseur impénitent et cavaleur, avec une musique tout en finesses harmoniques et une orchestration plus proche de la musique de chambre que de la furia lyrique. Un périlleux équilibre de registres dont la direction musicale de Daniele Callegari enflamme l’ensemble des interprètes. En tête, le baryton Roberto de Candia qui a la voix magistrale et le physique corpulent idéal pour Falstaff.
Autour de lui, la mezzo-soprano, Marina Ogii et la soprano Alexandra Marcelier sont les femmes auxquelles il adresse ses missives, et la fille de l’une d’elles, Nannetta, est interprétée par Rocio Pérez dont la limpidité de la voix de soprano nous a particulièrement enchanté. Ajoutons l’excellente mezzo-soprano Kamelia Kader dans le rôle de Mrs Quickly, l’amie qui leur sert d’intermédiaire et le baryton Vladimir Stoyanov dans le rôle du mari vengeur.
Toute la distribution est parfaite.
Non seulement Daniel Benoin signe la superbe mise en scène, mais également les étonnants décors, réalisés avec Christophe Pitoiset.
Quant aux costumes, très diversifiés selon le lieu et l’action, c’est Nathalie Bérard-Benoin qui les a créés et certains sont particulièrement attrayants.
La fin devient joyeuse, car tout finit bien.
Même la jeune Nanetta (fille d’un couple qui s’oppose à Falstaff) épouse le jeune homme qu’elle aime...
Sur les murs, des effets spéciaux s’ajoutent à de multiples arbustes de verdure apportés sur scène par des figurants. La zone devient réjouissante, avec la présence de tous les choristes de l’Opéra de Nice qui chantent allègrement en entraînant à la fête.
Dans ces décors et cette mise en scène, l’impression que donne cette présentation de « Falstaff » est d’être du Théâtre chanté, telle une véritable comédie. C’est d’ailleurs une oeuvre de Verdi totalement différente des autres. Cependant, un rien de tristesse flotte au-dessus des rires : Falstaff a vieilli et Verdi aussi. Sans doute, sent-il que la fin arrive et il le dit avec humour !
Caroline Boudet-Lefort
Représentations
31 mars 2023 à 20:00
2 avr. 2023 à 15:00
4 avr. 2023 à 20:00
6 avr. 2023 à 20:00
Durée : 2h40 avec entracte
Réservations sur le site de l’OPÉRA
[EN DIRECT] Bienvenue dans les décors de notre « Falstaff », un Sir John Falstaff plutôt biker vivant dans un « squat »
Une mise en scène signée Daniel Benoin ! @BertrandRossi06 @VilledeNice @theatreanthea pic.twitter.com/pFp2cp6SS4
— Opéra de Nice (@Operadenice) March 29, 2023