Sa capacité à jongler entre les styles afin de créer son propre univers est difficilement égalable. Elle avance avec son temps, ayant conscience que l’Inde devient le centre de gravité du monde anglophone actuel. Réussir à créer un hymne musical rassemblant les aspirations indiennes avec la culture mondiale est un challenge en soi, challenge qu’elle accepte et dans lequel elle s’épanouit instinctivement. « Ces dernières années j’ai eu l’occasion de jouer régulièrement en Inde et ai évidemment été bercé par de nouvelles influences. J’ai aussi ouvert un club à Londres, l’Outerindia, afin de créer une plateforme pour supporter les talents musicaux venus d’inde et d’ailleurs. L’objectif à moyen terme est qu’Outerindia devienne un label et une plateforme web, et qu’il se développe en rassemblant de plus en plus de projets de tous horizons. La première pierre a été posée à Londres mais il n’y a aucune raison pour que ce projet ne prenne pas des dimensions internationales en se développant. »
Performeuse incandescente
Forte de sa réputation de performeuse incandescente en live, Susheela a déjà donné vie à 4 albums : Salt Rain (2001), Love Trap (2003), Music for Crocodiles (2005), et 33 1/3 (2007). Chacun de ces opus n’a fait que révéler sa relation personnelle avec la musique et a exacerbé son rôle de delta musical, ou différents fleuves se rencontrent et se mêlent en un seul océan sonore. Chacun de ses albums est le fruit d’une vision, et garde sa fraicheur et sa personnalité sans jamais perdre en qualité. Son nouveau présent, intitulé VEL, sera dévoilé début 2011. Afin de préparer le terrain pour l’arrivée de cet album, Susheela Raman nous offre la chance de découvrir l’un de ses morceaux sous la forme d’un EP téléchargeable contenant trois remixes qui porteront ce message puissant vers des terres jusqu’ici inconnues.
« Ce nouvel album est un mélange équilibré entre mes racines tamoules et mes inspirations européennes. VEL est un témoignage de mon propre voyage en tant qu’européenne ayant des racines indiennes au cœur du territoire musical Tamoul. Il s’agit ici moins de raffinement que de l’intensité des sentiments véhiculés. C’est un univers particulier, ou un sentiment partagé entre le manifeste et la réalité règne »
Cela convient parfaitement à Susheela, qui a toujours su véhiculer des émotions, au travers de sa musique aussi bien que dans l’intensité de ses propos. Et c’est bien cette intensité si particulière qu’elle offre à son public au travers de sa musique. Le secret de cette sensibilité réside dans sa capacité à s’approprier ces textes, puis à les partager, et pénétrer votre âme.
« Je souhaite passer outre les barrières artificielles entre les différents styles musicaux, et synthétiser le tout en une expérience sonore. La musique du sous continent indien est extrêmement fertile et évolue perpétuellement. On trouve toujours de nouvelles sonorités à explorer. Evoquer le terme fusion revient à faire des compromis entre des blocs culturels figés. Ici, il n’est pas question de cela quand on parle de musique. La musique est comme une déesse qui évolue constamment, et ne se complait jamais dans la simplicité. Pour gagner son respect et rester auprès d’elle, les musiciens doivent essayer de pousser continuellement en avant leurs démarches.
D’un point de vue personnel, la découverte est toujours à envisager comme un voyage. Plus l’on plonge profond dans une culture, à l’écart du mainstream, plus on découvre des paradis musicaux encore inconnus et qui ne demandent qu’a être mis à jour. Il y a quelques années j’ai commencé à passer beaucoup de temps dans le sud de l’inde. J’ai été conquise par l’univers sonore du dévotionalisme Tamoul, et la musique extatique de la religion populaire. En tant qu’artiste, j’ai ressenti un lien fort qui s’est créé de façon très naturelle avec cette musique.
J’ai eu l’occasion de travailler avec deux professeurs exceptionnels à Chennai. Le plus gros travail a été de les convaincre du bienfondé de ma démarche, et une fois convaincus de mes capacités et de ma motivation vis-à-vis de leurs exigences, ils m’on enseigné leur art avec circonspection. Pouvoir profiter de leur savoir a été un vrai privilège. » Raise up est une chanson qui m’a été inspirée par l’expérience de chanter cette musique traditionnelle Tamoul. Raise up your hands signifie « embrasser la vie », atteindre quelque chose de plus grand, au delà de soi grâce à la force vitale qui se trouve en chacun de nous.
Nous avons enregistré ce morceau l’été dernier à New York. Nous étions présents pour un concert en extérieur et nous avions le privilège d’avoir sur scène deux grands musiciens du Rajasthan, Nothoo Solanki aux percussions et Kutle Khan qui pose sa voix sur le morceau. Quand nous l’avons joué, l’émotion qui s’en est dégagé était si puissante que nous avons réservé un studio le jour suivant afin de pouvoir capturer cette énergie. » Vous pouvez la ressentir dans chaque note des musiciens qui l’interprètent.
A propos des remixeurs, Susheela nous explique : « Dr Das a joué en tant que bassiste avec le groupe Asian Dub Foundation, et a un vrai talent pour le dub et la basse. Il a totalement recréé le morceau en suivant ses propres inspirations, et l’a porté jusqu’aux confins du territoire dub. Dr Das a joué à la soirée d’inauguration du club que nous avons ouvert à Londres, l’Outerindia, et sa performance fut brillante. J’espère pouvoir continuer à travailler avec lui. Hit By A Rock est quand à lui un producteur londonien qui a participé activement à l’élaboration du nouvel album et a fait ses propres arrangements dubstep. Son remix de Raise Up est vraiment puissant, avec une dimension élémentaire. J’ai vraiment apprécié la façon dont ces deux artistes ont appréhendé et embrassé la structure en 7/8 du morceau et on réussi à en retirer quelque chose de vraiment original, tout en conservant un groove imparable »
Raise up est à considérer comme le hors d’œuvre musical d’un magnifique album et un nouveau pas dans l’univers musical de Susheela.