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MUSIQUES ACTUELLES : Pantiero : interview de Jean-Marie Sevain - Propos recueillis par Valérie Noriega - Palais des Festivals de Cannes - Festival Pantiero du 11 au 14 Août 2010

Le 11 août s’ouvre, à Cannes, la neuvième édition du Pantiero : 4 jours de musiques live, 4 artistes par soirée, un Pass "All festival" à 50 euros, une line up à faire pâlir d’envie plus d’un Festival (Two Door Cinéma Club, Quadricolor...), le tout sur les Terrasses magiques du Palais des Festivals !! Festival de musiques actuelles dont la renommée n’est plus à faire, Pantiero accueille chaque année un public de plus en plus nombreux. Pour autant pas question ici de faire venir des têtes d’affiches, le directeur artistique ne fait aucun compromis sur la programmation, l’idée et l’envie sont ailleurs : écouter du son, beaucoup ; ressentir, vibrer pour des artistes de qualité et leur proposer des scènes magnifiques ! Cette exigence empreinte de passion et de diversité, ce temps passé à sélectionner les artistes, assurent un succès renouvelé chaque année !
Retour sur ce Festival électro/rock "hors piste" et non aligné, avec son directeur artistique Jean-Marie Sevain !

Déjà la neuvième édition ! Imaginiez-vous lorsque vous avez initié la première édition que le Festival pourrait s’installer dans la durée ?

Jean-Marie Sevain : La volonté de créer Pantiero vient de David Lisnard, Président du Palais des Festivals et Des Congrès, qui m’a contacté pour me proposer la direction artistique de l’événement. Je connais David Lisnard depuis longtemps, je savais bien qu’il ne s’agissait pas pour lui de créer un événement si l’idée n’était pas de le pérenniser, c’est un tenace.
Dans ce contexte je ne suis pas surpris qu’il y ait un Pantiero en 2010 mais il est vrai qu’à quelques jours d’une 9 édition on se dit que l’histoire est belle.

Le soutien actif du Palais des Festivals et de la Municipalité de Cannes est-il une des raisons significatives de cette pérennité ?

 Jean-Marie Sevain : Le Palais des Festivals par l’intermédiaire de la SEMEC dont dépend la Direction de l’Evénémentiel est producteur de Pantiero. Sans producteur, il n’y a jamais d’événement.

Le prix d’entrée aux soirées a été revu à la baisse cette année (20 euros au lieu de 25) et a toujours été particulièrement abordable : ce choix explique-t-il le succès grandissant de la fréquentation ?

 Jean-Marie Sevain : Dans un contexte de crise il est devenu évident qu’il fallait que nous fassions un geste afin que tout ceux qui le désirent puissent accéder aux concerts proposés cette année, le prix ne devait pas être un frein et on constate malheureusement que le porte monnaie n’est pas extensible à volonté.

Ceci dit, je ne suis pas partisan du "tout pas cher", les concerts ont un coût, et on voit très bien que beaucoup n’hésitent pas à dépenser 80 ou 100 euros pour des concerts lorsqu’ils en ont envie. Ça m’embêterait vraiment de me dire qu’on baisse nos prix pour qu’ils puissent aller voir des concerts hors de prix proposés par des artistes has been et foireux.

À 50€ le pass 4 soirs c’est vrai que Pantiero est un festival peu onéreux, ça fait du 12,50€ par soir pour voir 4 superbes groupes ou DJs !

Mais la réussite de Pantiero tient d’abord à sa programmation artistique sur la longueur. Pantiero propose toujours des artistes qui, sur le papier, ont tous de grandes qualités à faire valoir. Ça commence à se savoir.

La réussite de Pantiero tient aussi à sa cohésion. J’ai lis parfois le terme "éclectique" lorsqu’est évoquée la programmation, du festival, à tort. Sous la bannière de l’éclectisme on peut lire n’importe quoi et c’est tout ce que je cherche à éviter. Je réfléchis beaucoup en amont pour que la programmation ait une vraie ligne artistique directrice, mais qu’elle soit aussi en harmonie avec un contexte géographique particulier. Je veille à ce qu’elle s’intègre dans son environnement, et un environnement tel que la Terrasse Riviera au Palais des Festivals est un formidable atout pour séduire public et artistes. Enfin je travaille avec une équipe très efficace au sein de la Direction de l’Evénementiel, tout se passe bien et en douceur. Peu de festivals s’organisent dans de telles conditions et c’est très rassurant de pouvoir s’appuyer sur une logistique et une administration bien en place. C’est la partie invisible qui fait aussi le succès du festival.

Créer un Festival de musiques actuelles en 2001 - qui plus est en prenant le pari de faire venir des talents "en devenir" - était un challenge dans une ville comme Cannes à l’image plutôt traditionnelle et éloignée de ces pratiques.
Aujourd’hui le pari semble largement réussi : de nombreux autres événements ( les Plages électroniques...) sont venus enrichir et élargir la diversité des offres artistiques à Cannes : pensez-vous que Pantiero a permis d’engager cette évolution de l’image de la Ville ?

 Jean-Marie Sevain : Il est clair que Pantiero a déclenché beaucoup de choses dans la région, c’est simple, avant il n’y avait rien pour ce qui concerne les musiques dites "actuelles". Aujourd’hui on est pas loin de la saturation. Quant à l’évolution de l’image de la ville, oui je pense que Pantiero a du y contribuer un petit peu. En tout cas c’est une manifestation qui correspond à une certaine tradition locale, longtemps endormie : l’innovation.

On a souvent décrit le Festival Pantiero comme Le Festival "qui prend des risques" en invitant à se produire des artistes nouveaux.
(Ndr : on se souvient que Pantiero a été le premier Festival à programmer Justice ou 2 Many DJ’s ; il accueillait en 2008 aussi Birdy Nam Nam ou Vitalic qui ont "explosé" cette année).
Dénicheur de talents, est-ce toujours la marque de fabrique, le style du Festival ?

 Jean-Marie Sevain : Culturellement, j’ai toujours été à l’affût de nouveautés et de nouveaux sons, il n’y a rien de plus excitant que de découvrir un disque ou d’aller voir un concert qui vous renverse. Cet élément est très important dans ma façon de travailler, permettre à des artistes qui me paraissent magnifiques de se produire dans de belles conditions. Je ne recherche pas à dénicher les talents de demain à tout prix, c’est même le dernier de mes soucis, je cherche à proposer avant tout des artistes qui je l’espère toucheront le public comme ils m’ont touché personnellement.
Cela passe évidemment pas une grosse prise de risque car tout cela reste très subjectif mais j’ai la chance d’avoir un employeur qui sait aussi compter avec le qualitatif.
J’essaie aussi dans la mesure du possible de ne pas faire tout à fait comme les autres, mon travail n’aurait plus de sens. Enfin, avec un budget limité, la réalité impose de proposer des artistes en développement.
Pantiero ne peut pas se permettre d’enfiler les têtes d’affiches comme on enfile les perles. Et ça me va très bien.

Depuis 2009, le rock indépendant tend à prendre une place plus large au sein du Festival : quelles sont les motivations d’une telle évolution ?
Peut-on dire que votre programmation est plutôt instinctive ?
L’équipe qui vous entoure prend-elle part à la programmation ou êtes vous seul "maître à bord" ?

 Jean-Marie Sevain : Seul maître à bord oui, avec ses avantages et ses inconvénients, mais instinctive non. Je dirais plutôt que la programmation est le résultat de sentiments très forts que j’ai ressentis en écoutant des disques ou pendant un concert.
Quant à l’orientation très nette prise vers le rock ou la pop indé, c’est la réalisation d’une envie qui n’a fait qu’augmenter depuis 3 ou 4 ans. Pour être clair, le rock indé et la pop indé sont les fondations de ma culture musicale, avec des infidélités qui m’ont permis de m’ouvrir et découvrir d’autres choses qui m’ont beaucoup marquées, comme la black music au sens large ou la musique électronique. Mais le rock est aussi un pilier inamovible de la culture dans notre société depuis plus d’un demi siècle. C’est une constante à laquelle personne ne peut échapper.
Je suis ravi de lui rendre ce qu’il m’a donné, d’autant que le scène actuelle est plutôt en très grande forme.

Pantiero, ce sont aussi des afters dans divers endroits de Cannes, des fêtes les pieds dans l’eau, la vue perdue depuis les terrasses du Palais dans des décors féeriques : inscrire le Festival dans la Ville, et collaborer avec les autres acteurs culturels de la Ville était important pour vous ?

 Jean-Marie Sevain : C’est un peu notre point faible à vrai dire. Il n’existe pas de synergie autour de Pantiero et avec 9 éditions au compteur c’est un peu regrettable. Si le festival est physiquement bien intégré dans son cadre, le cadre ne dépasse pas la Terrasse du Palais des Festivals. Quant aux afters, cette année aura été un vrai cauchemar pour les organiser, ils viennent tout juste d’être bouclés mais il y a moins d’une semaine, nous nous dirigions tout droit vers une édition sans afters, ce qui aurait été un pas en arrière vraiment dommageable.
Paradoxalement il n’y a pas de clubs à Cannes de capacité moyenne et/ou désireux d’accueillir des afters. Nous avons fait 2 années au Jimmyz avec une programmation assez imposante, le Jimmyz était un lieu idéal, tant par sa situation dans les murs du Palais des Festivals que par son look ultra old school. Mais cette année il y a eu du changement au Jimmyz.
Un rapprochement vers les acteurs locaux compétents, pouvoir proposer aux festivaliers l’ensemble des prestations qu’ils attendent d’un tel événement sont des points qu’il serait souhaitable d’améliorer.

Des initiatives plus récentes s’intéressant aux musiques actuelles et à la programmation aussi exigeante que Pantiero s’installent sur la Côte d’Azur, comme le Festival Crossover à Nice : est-ce le signe d’un développement de l’intérêt du public pour ces musiques ?
Serait-il possible d’envisager une mise en synergie de ces divers Festivals pour prévoir l’organisation d’un événement phare électro/rock indé sur la Côte une fois par an (style Ministry of Sound à Londres) ?

 Jean-Marie Sevain : Ministry of Sound est un club à Londres qui a connu ses heures de gloires il y a bien longtemps, ce n’est pas un événement ponctuel, c’est ouvert tous les weekends. Et puis c’est devenu un peu la foire à la saucisse, en tout cas certainement plus du tout une référence dans le milieu électronique indé.

Il y a déjà beaucoup d’événements sur la Côte, chacun avec ses spécificités, je ne vois pas l’utilité de créer un nouvel événement et fédérer des acteurs qui n’ont pas forcément les même affinités musicales.
Enfin, s’il y a une demande et un intérêt grandissant pour les musiques dites actuelles, plus globalement j’ai l’impression que chaque municipalité veut aujourd’hui son festival pour ne pas être en reste avec son voisin.
La France croule sous les festivals en été mais l’artistique n’est pas toujours au cœur de la réflexion des initiateurs des projets.

De nombreux festivals en France (les Nuits sonores à Lyon, l’Inox Festival à Toulouse et à Paris, pour ne citer qu’eux ...) occupent une place prépondérante sur le devant de la scène médiatique et commencent à avoir une renommée qui dépasse les frontières.
Comment décririez-vous la place de Pantiero au regard des autres Festivals du même genre ?

 Jean-Marie Sevain : Je crois que Pantiero a plutôt une belle réputation, en 9 éditions, le festival aura vu passer beaucoup de très bons artistes. Les professionnels, les agents, les organisateurs de festivals le savent.

Y - t-il des envies que vous n’avez pas encore pu réaliser, des choses restant à améliorer, des pistes à explorer ?

 Jean-Marie Sevain : J’aimerais que l’on puisse grandir, se développer afin de proposer une programmation plus fournie, d’une façon ou d’une autre. Chaque année il y a une cinquantaine d’artistes que je rêverai de faire jouer, les choix sont douloureux...

À titre personnel vous avez longtemps partagé votre temps entre Lyon, Londres et Cannes en officiant aux platines dans divers bars et clubs, lancé un label et travaillé dans la production : arrivez-vous toujours à mener de front toutes ces activités ?
Quelle est votre actualité en ce moment ?

 Jean-Marie Sevain : Le label n’a en fait jamais pris forme et je ne mixe plus que très ponctuellement. J’ai d’autres perspectives concernant la programmation, notamment à Lyon, mais je travaille aussi sur autre projet lié à la musique (mais pas aux concerts) et là... c’est secret défense !

Une question que je ne vous ai pas posée et à laquelle vous brûlez de répondre ?

 Jean-Marie Sevain : Vous m’avez déjà posé beaucoup de questions ! ;)

copyright toutes photos : Palais des Festivals et des Congrès de Cannes - Photo Kelagopian

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