« Jammin’Juan « est un marché des professionnels du Jazz.
Les organisateurs de concerts, les agents artistiques et les programmateurs de spectacles ou de festivals de différents pays viennent découvrir, écouter, choisir des musiciens de talent encore trop peu connus. Ces journées, riches en émotions artistiques, sont aussi ouvertes au public, à tous les amateurs amoureux du jazz.
Au cours des 25, 26 et 27 octobre, vingt et une formations ont présenté leur showcase et six se sont produites sur la grande scène devant de multiples professionnels. Chaque formation a eu entre une demi-heure ou trois-quarts d’heure pour convaincre et séduire l’auditoire. Grâce à ce tremplin pour les stars du jazz de demain, nous avons découvert certains groupes qui ont particulièrement retenu notre attention.
Le parrain du festival, Hugh Coltman, nous a offert le plus beau moment de ces trois jours et son concert a fait l’unanimité.
Le plateau, seulement éclairé de lampes torches, dégageait une atmosphère incantatoire dans une pénombre magique. S’accompagnant à la guitare, le chanteur donne une place à chacun de ses nombreux musiciens pour de longs solos. Et lui-même, avec une grande énergie, occupe totalement l’espace de tout son corps, qu’il déploie en mouvement, se déplaçant sans cesse avec des bonds et de grandes enjambées, tandis que sa voix aussi bondit et rebondit. Entre soul et blues, son concert restera marquant, de ceux dont on se souviendra longtemps. Enthousiaste, le public n’avait visiblement pas envie que sa musique cesse et les rappels se sont ajoutés les uns aux autres, tandis que, debout, chacun dansait tout en applaudissant.
Il était précédé sur scène par Haïlé Jno-Baptiste,à la belle voix légèrement fêlée. Sans quitter son siège, il ne s’est pas lâché et le courant n’a pas circulé entre la salle et lui. Dommage !
La soirée de la veille, dans le même Amphithéâtre du Palais, était d’une qualité irréprochable. D’abord le trio de Philippe Villa au jeu très pur, très dépouillé, très fluide, avec une belle entente et une grande complicité entre les trois interprètes des compositions du pianiste Philippe Villa, telles « Esperanto », « Nomade » ou « Second souffle », un de ses arrangements, récompensé par la SACEM, ou encore « Song for Charlotte », une composition très jazzy pour sa petite-fille.
Pour lui succéder sur scène, le groupe du pianiste au talent renversant Jean-Michel Bernard qui, en solo, a d’abord mêlé Chopin et Errol Gardner, avant de rendre hommage au compositeur américain Lalo Schiffrin en jouant les musiques de films que celui-ci avait créées, ce qui a permis de voir des extraits de « Bullitt » (1968) – la fameuse poursuite dans les rues de San Francisco - et de « L’inspecteur Harry » (1971), « Les Félins » (1963) et d’autres....
Deux espaces scéniques étaient prévus afin que les jeunes talents du jazz puissent se faire connaître – ou reconnaître - des professionnels qui viennent faire leur marché.
Parmi la vingtaine de formations, certaines ont plus particulièrement retenu notre attention, quoique chacune, à l’écart de toute banalité, ait ses propres qualités pour expérimenter une forme de modernité. Avec une voix aux plaisantes couleurs, Rachel Therrien est la trompettiste vedette du quartet à son nom. Elle présente certaines de ses compositions et rend hommage aux femmes qui ont permis à d’autres femmes d’accéder à des professions et à jouer des instruments jusqu’alors réservés aux hommes. Elle joue de la trompette (fort bien et puissamment) et à la batterie une autre femme l’accompagne avec énergie, l’Allemande Mareike Weining. Encore une femme à la batterie dans le groupe suédois « Corpo ». Avec beaucoup de liberté, Cornelia Nilsson ajoute toutes sortes d’objets hétéroclites à son instrument pour multiplier les sons : carillon, cloches, pendeloques, castagnettes, triangle, graines ... C’est beau, mélodieux, la batterie devient de la dentelle dans un groupe où les instruments dialoguent entre eux.
Le Grégory Ott Trio semble à l’écart de toute banalité avec un jeu pourtant simple et impeccable.
Ce talentueux pianiste est accompagné par Gautier Laurent à la contrebasse et par Matthieu Zirn à la batterie. C’est extrêmement agréable !
Le Luxembourg a très envie d’exporter son jazz. Le pianiste Jérôme Klein a d’abord joué en trio avec Pol Belardi et Niels Engel, avant d’accompagner la chanteuse Claire Parsons à la jolie voix très pure, avec un certain sens du rythme soutenu par la guitare d’Eran Har Even. Marthe est un groupe influencé par la musique traditionnelle grecque ce qui donne des moments très mélodieux, truffés de poèmes grecs.
Au bon jazz qui balance du groupe de Thomas Laffont a succédé le Ben Rando Trio au jazz contemporain avec une inspiration classique mêlée de pop où Sam Favreau s’y distingue à la contrebasse. On les retrouve, avec toujours Cedrick Bec à la contrebasse, accompagnant la chanteuse Anna Farow qui module à souhait sa jolie voix en allant chercher dans des aigus. Michel Meis est à la batterie de son Quartet qui joue ses compositions très jazz aux titres brefs mais évocateurs : « Désir », « Even, « Hope », « King Kong »... : cette musique coule en nous ! Le Lynx Trio a fait preuve de beaucoup d’énergie et de fougue.
Le Youpi 4tet se compose d’instruments très originaux et rares pour le Jazz : flûte et harmonica. Le groupe commence par interpréter « Youpi » avant « Harmonie », un très joli morceau écrit par Emilie Calmé qui joue de plusieurs flûtes selon le thème. Le Jean-Pierre Zanella Quartet est Québecois, mais ses sonorités sont libres de tout territoire et rend le jazz vibrant.
Tous ces jeunes musiciens sont ouverts à toutes les modernités et évoluent déjà dans la cour des grands.
Ils seront bientôt à l’affiche des Festivals les plus reconnus, car leur découverte est fortement recommandée !
Caroline Boudet-Lefort