La révélation d’une nouvelle vague du Jazz a fait résonner le Palais des Congrès de Juan de sonorités innovantes et procuré à tous de profondes émotions. Bien souvent, complètement séduit par le concert qu’il écoutait, l’auditeur avait la chair de poule et les professionnels, venus à ce « marché du Jazz » afin de sélectionner des groupes pour leurs manifestations, ont rempli leurs cabas de contacts pour de futurs festivals de Jazz dans le monde entier.
Vingt-cinq formations se sont présentées en showcase et dix ont été sélectionnés pour des prestations sur la grande scène du Palais des Congrès.
Loin d’avoir pu assister à la majorité des concerts, nous avons eu l’envie d’attirer l’attention sur quelques groupes qui nous ont particulièrement enthousiasmés.
Le bassiste François Lapeyssonnie et son groupe proposent un très bon jazz groove seventies fluide, agréable et tranquille comme on l’aime. On adore Saràb qui offre un jazz truffé de musique orientale aux tonalités déconcertantes, avec une chanteuse syrienne (qui souffre de l’éloignement de son pays où elle ne peut plus aller) et cinq musiciens dont un trombone aux sons d’une suavité en accord avec le style revendiqué d’une originalité évidente
Avec sa trompette Nicolas Gardel fait de très belles envolées dans un jazz très doux, accompagné au piano par le très concentré Rémi Panossian d’une grande célérité dans le « Caravan » de Duke Ellington, alors que « The Mirror », particulièrement pénétrant pour celui qui l’écoute, procure une grande émotion. La musique s’envole ! Quant au David Bressat Quintet, on apprécie le jeu romantique du pianiste David Bressat, les solos du trompettiste Aurélien Joly et du saxophoniste Eric Prost. Grâce à « Nuages », on plane avec une musique qui nous touche au coeur et aux tripes. Un duo piano et batterie (Charles Clayette) nous fait redescendre sur terre, où ça balance avec le bassiste Florent Nisse.
La jeune chanteuse Sarah Lenka s’impose sans prétention avec sa mélodieuse voix légèrement éraillée qui interprète les chants récoltés dans les prisons agricoles des Etats-Unis au XIXe siècle. Ces chansons que les femmes se chantaient pour elles-mêmes ne sont-elles pas l’origine même du jazz ? Un groupe de cinq musiciens accompagnent avec talent ces incantations revendicatives pour la liberté.
Sur la scène, House of Echo est né de la rencontre du pianiste Enzo Carniel et du guitariste Marc Antoine Perrio, auxquels se sont joints le batteur Ariel Tessier et l’excellent bassiste Simon Tailleu. Tous sont adeptes d’une musique très onirique, très douce par moments, laissant vagabonder souplement les pensées dans un univers enrobé de coton, avant que tout ne s’accélère et donne l’envie de danser.
Sélectionnés par la Sacem, Les Rugissants sont dix sur scène menés par le pianiste et compositeur Grégoire Letouvet pour jouer « Dans la jungle des villes », que lui a inspiré la pièce de Brecht et le souvenir de son arrivée à Paris à 20 ans, alors que l’identité se perd dans l’aliénation à laquelle la ville soumet l’homme. Cette musique évoque à merveille l’agressivité de la ville tonitruante, avant de s’adoucir dans un poème musical avec un poétique solo de piano.
Quoique petite et gracile, la compositrice Tullia Morand dirige magistralement son orchestre de 13 musiciens qui se sont rencontrés dans une Jam Session à Paris. Pour évoquer un personnage imaginaire style Gatsby, un danseur s’anime en virtuose des claquettes sur une piste centrale, avant d’être soutenu par une trompette, et ensuite tout l’orchestre. Enfin, le merveilleux « Magic Hands » conte une balade un jour de canicule en été : un extrait de leur plus récent album.
Comme nous l’avons dit ce ne sont que quelques échos d’une magnifique sélection qui, cette année, a enthousiasmé tout le public déjà impatient de l’automne 2020, pour le prochain Jammin’Juan.
Caroline Boudet-Lefort