À l’heure où sort son dernier ouvrage Murène (Actes Sud) salué par la critique de cette rentrée littéraire, nous avons demandé à Valentine Goby d’évoquer à l’occasion de cet entretien son enfance à Châteauneuf près de Grasse.
Elle a aussi parlé littérature, ce qui tombait bien aussi...
L’auteur de Un Paquebot dans les Arbres, de Kinderzimmer et d’un nombre impressionnant de livres jeunesse s’avère être une vraie "mitraillette" à idées. Il suffit de presser le bouton. Les souvenirs de cette jeune femme rayonnante sont d’ordre sensoriels, sensuels, sensibles. La nature autour de son village a fortement imprimé son âme d’enfant, ainsi que les senteurs : son père, parfumeur, les ramenait à la maison accrochées dans ses habits. Sa maman, tisserande, avait celle de la laine de mouton dans son sillage.
Au paradis des odeurs
La question du corps est centrale dans ses romans. Kinderzimmer parle des femmes et de leurs bébés à Ravensbrück : "cette capacité à grandir dans l’adversité la plus extrême, leur miraculeuse faculté de résistance, forcent l’admiration". Dans Murène, François, le jeune héros sans bras, se métamorphose en athlète de haut niveau dans les années 50, à une époque où les mutilés ne suscitaient que pitié alors que les premiers jeux para-olympiques restaient encore très confidentiels. Valentine a une formule : "l’espèce humaine continue à être d’accord pour se métamorphoser". Optimisme ?
"François n’a pas existé, c’est un personnage archétypal", mais il est plus vrai que vrai, inspiré "du nageur chinois Zheng Tao, détenteur de la médaille d’or de natation aux jeux para-olympiques de Rio en 2016".
Ses attaches azuréennes ? "L’amour c’est compliqué, on aime une région à travers nos rencontres. J’aurais tout aussi bien pu aimer Roubaix si j’y étais née. Ce territoire sauvage qu’était Châteauneuf à l’époque s’est beaucoup domestiqué depuis !"
Ici et ailleurs...
Valentine avait le nez dans l’herbe : "ma mère m’habillait d’un grand tee-shirt, j’avais toujours les mains dans la terre, il y avait ce foisonnement d’insectes, nous avions des chiens et sept chats sauvages". Elle écarte le rapport avec Colette :"nous n’avons pas le même culte des animaux".
Elle confie qu’adolescente, elle a eu "un très fort désir de ville. Arrivée au lycée Masséna, j’ai adoré ce bouillonnement citadin". D’après elle "on se construit dans l’opposition, la rupture, le contraste". La romancière a séjourné trois ans en Asie en mission humanitaire : "je vais ailleurs pour voir si j’y suis et j’y suis… ailleurs !". Puis Paris, qu’elle adore. Elle y vit. De retour pour les vacances sur la Côte d’Azur, elle y retrouve parents, amis, mais pas la mer "je suis définitivement montagnarde, la montagne c’est mon terrain de jeu aventurier".
En ce moment elle n’écrit pas, en tout cas pas au sens où elle l’entend habituellement : "j’écris un roman jeunesse à côté pour ne pas perdre la main. Je suis encore une jeune accouchée, je me donne au moins six mois pour m’occuper de Murène, mon dernier bébé".
Parcourir les salons littéraires, les festivals, donner des conférences et des spectacles, intervenir dans les écoles et les facs... Valentine Goby est allée tout récemment à la rencontre des Niçois à la Librairie les Parleuses, et des Cagnois à la librairie La Pléiade.
Et elle est "remontée" dans ce pays de Grasse qu’elle aime tant...