Je lisais hier un article dans Science racontant comment, dans les années soixante, un B52 en difficulté avait largué deux bombes atomiques au-dessus de Boston, deux bombes faisant chacune 8 fois la puissance de Hiroshima. Bien sûr il ne s’est rien produit de très désagréable. Les bombes sont munies de dispositifs de sécurité qui les empêchent d’exploser sauf quand on le veut vraiment. Sauf que....
Pour la première bombe, tout a bien fonctionné, il a suffi d’aller la récupérer dans le champ de maïs dans lequel elle était tombée. Mais la seconde ! Trois verrous électroniques ont refusé de fonctionner jusqu’à ce que la bombe touche terre. Là, heureusement, le dispositif de mise à feu est resté bloqué. On a eu chaud - ou plutôt pas du tout, puisque tout cela est resté couvert par le secret défense. Mais au fond de nous-mêmes, nous savons bien qu’un jour cela nous échappera..
Enfin… « nous » ? qui, nous ? Cela échappera à quelque irresponsable, cela proviendra d’un malentendu comme dans « Dr Folamour », ou cela sera la conséquence ridicule mais inéluctable d’un assassinat crapuleux. Ou alors d’un raz-de-marée. Ou alors un pur produit d’incompétence ?
Tchernobyl semble tomber dans cette dernière catégorie. Et a fait gloser longtemps. Mais le monde s’est calmé là-dessus, surtout depuis que la même incompétence nous ait procuré Fukushima .
Qu’aujourd’hui un jeune auteur espagnol se penche sur ce sujet est donc déjà étonnant en soi-même. Mais la manière dont il le traite nous donne joie au cœur là où nous devrions tremper dans le malheur. Car son histoire, sa vraie-fausse histoire ne prend le lieu de l’extermination que comme décor. Décor indispensable pour donner force à des personnages incroyables, une vraie cour des miracles de forcenés du malheur, de désespérés de la vie, de scientifiques désillusionnés et de militaires devenus inutiles.
On ne sait à la lecture si ce livre tient plus de la biographie, du reportage ou du roman. Toujours est-il que nous voilà devant un genre difficile, qui met sans cesse en balance la crédibilité des faits rapportés (et ils sont énormes, saisissants, époustouflants, angoissants...), le romanesque de l’intrigue et le plaisir du style.
C’est donc un roman, très librement inspiré de la vie de Vassili Nesterenko, physicien du nucléaire russe, et le sujet en est la catastrophe de Tchernobyl, vue par la lunette de quelques entêtés qui s’accrochent sur les lieux. Ce bonhomme mérite assurément une biographie et celle-ci, si elle est romancée, n’est pas une hagiographie, loin de là. C’est un grand roman, mais parce qu’il est espagnol il n’attire pas les feux de la critique littéraire de la rentrée.
Picaresque, romantique, voguant entre le comique de situation et la tragédie personnelle, « le cycliste de Tchernobyl » c’est un des bouquins les plus originaux de cette rentrée littéraire... C’est pourquoi je prends la peine de vous en parler. Ah, j’oubliais ! Ce livre a quand-même eu le prix Cálamo en 2011. Un prix Espagnol qui vaut bien un prix français. Au cas où il vous faudrait plus que mon humble critique pour vous précipiter chez votre libraire....