En présentant René de Obaldia, le Président du Jury, Didier Van Cauwelaert, a précisé que l’auteur n’entrait dans aucune catégorie, mais que cet « inventeur de langage » venait à merveille dans la lignée de Jacques Audiberti : leurs styles d’écriture, fantaisiste et non cérébrale, ont de nombreux points communs. Citant aussitôt « Génousie », l’une de ses pièces vedettes : « Il faut beaucoup de patience pour entrer dans l’univers des gens. Il faut la mort. Et encore ! La mort est bien souvent imitée ! » Il a inventé le « génousien » la langue de la fantaisie, de l’amour et de la tendresse pudique, a ajouté Didier Van Cauwelaert.
Dramaturge, romancier et poète français, né à Hong Kong en 1918, René de Obaldia écrit des textes qui sont presque tous empreints d’un humour fantastique, de malice incisive et d’imagination.
Fils d’un diplomate panaméen et d’une mère d’origine picarde, cousine de Michèle Morgan, il grandit entre Amiens et Paris, avant d’être mobilisé et fait prisonnier durant la Grande Guerre. Mais, même dans les pires moments, il a gardé son humour particulier : allègre, caustique, féroce, jamais goguenard. Dès 1961, Jean Vilar monte au TNP sa première grande pièce « Génousie » qui le place aux côtés d’Audiberti, Ionesco, Beckett. Maintenant, son oeuvre, traduite en 28 langues, est l’une des plus jouée dans le monde. Elu à l’Académie française en 1999, il en est le doyen. A propos de cette élection, il cite Flaubert qui aurait dit « Etre contre l’Académie, et faire tout pour y rentrer ». Par ailleurs, il collectionne de nombreux Prix, dont celui de l’humour noir et celui de la poésie... Cependant, il était ravi de recevoir des mains du Maire, Jean Léonetti, le prix Audiberti attribué par le Jury de la Ville d’Antibes (Didier Van Cauwelaert, Simone Torres-Forêt-Dodelin, Marie-Louise Audiberti, Jacques Gantié, Pierre Joannon, Dominique Bona, Jean-Christophe Rufin, Vénus Khoury Ghata), d’autant que cela maintient vivante la mémoire de Jacques Audiberti.
Le Prix récompense toute l’oeuvre de l’auteur choisi. Celle de René de Obadia nous amène dans le plaisir de vivre et la certitude de mourir.
Comment faire ? Deux potions magiques : l’amour et l’humour pour faire en sorte que ce soit acceptable. Souvent déçu par l’être humain, l’auteur cite : « Un homme qui de son vivant consent à être esclave, le sera totalement une fois mort ». Il précise que sa forme d’humour l’a aidé, mais qu’il garde toujours en lui « ce sentiment tragique de la vie ». Jérôme Garcin a d’ailleurs dit qu’il est « l’auteur d’une pièce de théâtre qu’il n’a pas écrite, mise en scène à son insu et dont il joue le rôle-titre : sa vie » ! Car, quand il écrit c’est un clin d’oeil ou un pied de nez à ce qu’il a vécu. Et il a vécu beaucoup de choses diverses : il s’amuse d’avoir été parolier d’un tube de Luis Mariano « Ma chérie » et - souvenir impérissable ! - en faisant de la figuration pour un ami metteur en scène, il a eu l’occasion de donner la réplique à Louis Jouvet.
Malgré son âge avancé, il fait preuve d’un esprit alerte et d’une grande mémoire, n’étant jamais en manque d’une citation amusante. Ainsi, quand il parle de Julien Green, dans le fauteuil duquel il a succédé à l’Académie française, il raconte que, en tant que protestant converti au catholicisme, Julien Green était hanté par le Diable, le Malin. Et de citer aussitôt Cocteau : « Sans le Diable, Dieu n’aurait jamais atteint le grand public ! »
Son oeuvre est impérissable et on ne peut que regretter de n’avoir pas vu depuis longtemps « Du vent dans les branches de sassafras », une de ses pièces les plus jouées pourtant. Bravo au Jury d’avoir choisi ce merveilleux lauréat qui a avoué : « À force d’exister, on finit par vieillir ». Eh oui !