« C’est pour rester proche de mes filles que je me suis installé à trois rues de leur mère, trois semaines tout juste après l’avoir quittée pour une autre.
Pourtant, j’ai toujours été contre la rupture de proximité. Plutôt du genre à penser que lorsqu’un couple se viande et enterre son histoire, il convient de séparer les tombes, ne pas faire cimetière commun. Je m’étais même toujours dit que, si un jour ça nous arrivait à Alice et moi, eh bien que j’irais me refaire à l’opposé, question de principes et de territoire. Bien sûr, j’ai fait l’inverse. Et j’ai cherché la bonne distance, pour installer un nouveau chez-moi.
La bonne distance, c’était la croisée des chemins entre vie d’avant et vie à venir, entre deux saisons, l’été et l’hiver. C’était simple en théorie, jeté comme ça sur le papier.
La bonne distance, c’était une sorte de Yalta, un partage sinon du monde, du moins d’un arrondissement, d’un quartier, d’une rue, sans casque bleu pour maintenir la paix, mais un processus, un accord tacite comme entre deux pays belligérants, entre deux bandes rivales au lycée. Avec Alice, on s’était mis d’accord dans l’intérêt des enfants. »
Antoine Duhamel, trentenaire parisien, est marié, et a jusque-là vécu la précarité de son métier d’auteur dans le confort matériel, grâce au salaire de sa femme. Seulement, après dix ans de mariage, il fait l’amer constat que « notre couple sonnait comme tous les couples. Loin des promesses de nos débuts, nous étions devenus des déchets radioactifs : narcissiquement morts, spirituellement éteints, physiquement à l’abandon, psychologiquement ratatinés, affectivement ruinés, vautrés dans un confort de routine. » Père de deux filles, lassé de vivre dans le mensonge conjugal, il prend la décision de quitter sa femme. D’emménagement en garde alternée, la solitude va le confronter à ses deux filles et à une paternité jamais encore totalement assumée. « J’ai attendu pour être Père de ne plus vivre avec ma femme et ça m’a pris du temps parce que comme beaucoup d’homme, j’ai du mal à faire deux choses en même temps. »
Xavier de Moulins a la formule qui fait mouche et le regard précis. Son roman a la tristesse élégante. À la première personne, avec humour, mais aussi une lucidité rehaussée des traits d’un satiriste, il se livre ici à l’observation d’un homme d’aujourd’hui qui apprend combien est douloureux le chemin « de la rupture à la séparation ». Après la misère sexuelle des romans de Houellebecq, c’est bien la misère affective que vient explorer ce court et émouvant roman.
Xavier De Moulins est journaliste. Après avoir été pigiste pour Le Monde, Vogue ou Les Inrockuptibles, il apparaît à l’écran dans Nulle part ailleurs, +Clair, dans Nous ne sommes pas des anges et enfin dans Paris Dernière. Il est aujourd’hui sur M6. Un coup à prendre est son premier roman.