Voilà la 4e de couverture d’un roman paru l’année dernière mais qui revient sur le devant de la scène en faisant partie de la sélection du prix littéraire PACA des lycéens et des apprentis. La paresse mentale qui me fait reproduire ici ce synopsis est due au fait qu’il est parfait, sans survendre son sujet et en en disant juste autant mais pas plus que ce que tout critique devrait dévoiler d’une œuvre dont son propre exercice vise évidemment à la faire lire.
Ce qui me permet par ailleurs de revenir sur ce drôle de prix littéraire, qui ne sera décerné que l’année prochaine, après un long processus de maturation organisé de main de maître par l’Agence Régionale du Livre. Étonnante organisation qui met en présence des adolescents, notoirement revêches à la lecture littéraire, leurs professeurs (en l’occurrence deux classes de chacun des deux lycées : Masséna et Beau Site pour la ville de Nice), des libraires (Quartier latin, BD Fugue Café et librairie Masséna pour Nice), des bibliothèques publiques (la BMVR Louis Nucera). Avec un site internet à la clé : www.prix.livre-paca.org/. Les lycéens lisent, discutent, confrontent et participent à des rencontres-forum avec les auteurs, visitent des librairies, des bibliothèques, des imprimeries pour recueillir diverses visions des métiers du livre. Et élisent, à la fin, deux prix : un roman et une bande dessinée.
Le choix éclectique de la sélection est l’œuvre autant de l’Agence Régionale du Livre que d’une brochette de libraires et professionnels, choix fait en fonction du public visé, mais, croit-on comprendre aussi, en réaction à la frustration des professionnels en question sur les ratés des prix littéraires grand public. Et il faut dire que cette année la sélection a fait très fort dans la diversité et l’intérêt des livres proposés.
J’ai choisi de vous parler de Philippe Carrèse pour la portée universaliste de son roman. En effet, les livres de la sélection ne sont pas des livres « jeunesse », celui-ci encore moins que les autres. L’auteur construit une situation à peine fictive (on sait que les nazis ont abandonné plus d’un camp de travail ou d’extermination à leur sort dans la hâte de la retraite) et dont tous les ressorts sont entièrement crédibles. Carrèse disait au forum de Chateauvallon du 1er décembre dernier que la forme du roman s’imposait dans la mesure où les grands média audiovisuels (il est également réalisateur de cinéma et de télévision) ne peuvent pas, aujourd’hui rendre des sujets aussi complexes. Pas sûr : ce livre a la carrure de « la liste de Schindler » , autant la situation est prenante et décrite par les tripes. Le roman a, au moins, l’intérêt de pouvoir rentrer dans la finesse psychologique des personnages, et Carrèse, sans jamais devenir pédant ou ennuyeux, ne lésine pas sur cet aspect. Dans une microsociété, qui s’organise spontanément, le leadership d’un dictateur est-il l’issue fatale, naturelle, inscrite dans les gènes de l’humanité ? L’ethnologie semble lui donner raison. L’histoire aussi ? Mais alors, la lutte pour la démocratie, le pluralisme, ne serait-elle qu’une divagation de l’esprit, une utopie au mieux asymptotique ? Le livre, qui se lit facilement, ouvre, l’air de rien, de grands débats et fournit une matière tant pédagogique que de réflexion personnelle à chacun de nous. « Enclave » est un grand roman, non par son poids, mais par sa portée -ds