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CRITIQUE LITTERAIRE : Pensée généreuse et féconde - Par Daniel Schwall - Librairie Quartier Latin Nice

Nous sommes abreuvés de livres sur la crise, les banques, la manière de nous relever… mais souvent, généralement, cette littérature s’occupe de manière conjoncturelle des causes réelles ou supposées d’un « dysfonctionnement » de la machine libérale… et on nous explique qu’inexorablement, le capitalisme produit ses crises, que cela fait partie de ce qui fait la vitalité de notre économie et qu’il nous faut donc subir en silence. Profiter des fruits de la croissance nous engagerait donc à en subir les « menus inconvénients ».

C’est sur une toute autre route que nous entraîne Jacques Généreux, qui est, on le sait et il ne s’en cache pas, la tête pensante de Jean Luc Mélanchon et de sa mouvance « nouvelle gauche ». Ce qualificatif pourrait valoir disqualification ou en tout cas rangement dans l’étagère « polémique politicienne gratuite ». Que nenni !
Dans « La grande Régression, Généreux nous livre un condensé, éminemment lisible, de sa pensée, exprimée dans une bibliographie de quelques 20 ouvrages. Généreux est un penseur, philosophe et sociologue, analyste du fait social tel qu’il apparaît dans son enracinement historique.
Et cette vision a bien du recul par rapport aux romans de haute finance ou aux traités lénifiants sur la gestion de crise.

Ce que Généreux qualifie de régression - au sens plus récurrent pour ne pas dire permanent que le mot crise - est en fait le délitement de la société occidentale, qui perd, au cours du 20 e siècle la cohérence sociale que lui donnaient la rigueur organisatrice des institutions religieuses et autres structures sociales et mentales qui arrimaient l’économie au « peuple », dans toutes ses contradictions et antagonismes. Défaisant dans une démonstration plutôt brillante le lien que le discours commun fait entre liberté, libéralisme, capitalisme, libre-échange et modernité, Généreux reprend à zéro l’analyse sociétale et sa pensée, non-conformiste à souhait, donne des lignes de pensées et d’action surprenantes et fertiles . Le libre échange est une composante structurelle de l’économie libérale et la délocalisation systématique de l’activité productive vers des pays à faible coût de main d’œuvre est donc une fatalité à laquelle on ne peut ni ne doit s’opposer ? voila le théorème fondamental auquel s’attaque Généreux .
Car, notamment, la territorialité économique est un des critères généralement oubliés ou occultés du raisonnement libéral.

Ce qui est agréable dans la lecture de Généreux c’est qu’il arrive ( parfois avec difficulté, il est vrai) à s’abstraire de l’incantatoire utopiste qui caractérise généralement le discours dit « de gauche » sur l’évolution du capitalisme. Tout en, bien sûr, se démarquant du suivisme impotent de la social-démocratie Ce n’est pas que cet ouvrage procure les recettes imparables de notre bien-être futur. On en a fini du Grand Soir. Mais l’analyse rafraîchissante que propose Généreux féconde l’esprit à la recherche d’une voie possible hors de la confrontation économique qui s’annonce à grands pas. L’ouvrage reste analytique et philosophique, mais, contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser, il ouvre une vision optimiste de l’avenir.

Ce livre est important. Il ne fonde pas une doctrine, mais il en déconstruit plusieurs ; des doctrines de gauche comme de droite. C’est une première boîte à outils d’une pensée politique post-écologique, post-tiermondiste, post-altermondiste.

Et si ces questions d’économie sociétale vous intéressent, pourquoi ne pas venir en parler au nouveau café littéraire que l’association Ethicum (www.ethicum.org) organise à la librairie quartier latin à peu près une fois par mois. Détails sur les ethicafés, sur les sites d’Ethicum et de la librairie.

Jacques Genereux, La grande Régression, essai, 279 p, le Seuil, 18 €

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