Les sensations oubliées
L’ouvrage est né d’un moment de solitude, lorsqu’elle s’est engagée sur les chemins caillouteux de l’arrière pays grassois. Qu’elle sillonne en parcours compliqués pour trouver l’enchantement pendant lequel "chaque seconde peut devenir des heures". Sortant des sentiers balisés, Sandra nous ouvre un nouveau réseau qui se calque sur celui de ses pensées.
Elle devient cette sorte d’écrivain-voyageur qui veut tout voir et raconter. "Qu’avais-je fait du mois de mars ? Au mois de mars, j’ai appris à calculer des dénivelées, et aussi que ce mot est féminin". Au cours de ces récits qui s’étendent sur une année, nous sentirons passer les saisons, leur chaud, leur froid, et les éléments, le vent et la pluie, en retrouvant des sensations oubliées dans ces espaces miraculeusement vides et pourtant si proches de la Côte d’Azur.
Il se pourrait bien que, pendant le défilé des pages, cette lecture nous fasse prendre conscience que quelque chose nous manque, ici et maintenant, sans même le savoir. Ce pourrait être cette impression d’aventure, cette angoisse de l’homme fragile se retrouvant seul la nuit au cœur de la forêt, lorsque le moindre bruit prend une dimension inquiétante. Ou ce sentiment de liberté, cette humilité lorsqu’on on ne se reconnaît plus comme un être social et civilisé, mais dans la précarité d’un être primaire confronté à la nature, avec l’envie de l’apprivoiser.
En tous sens
Pour Sandra Mathieu, un renard croisé la nuit sera le prétexte à réfléchir sur nos rapports aux animaux, sur ceux que nous exerçons avec les autres, et plus largement à la vie en communauté. Son livre aborde de biais des questions, il apporte également des informations géographiques et se lit avec bonheur. On y trouve un vrai souci d’écriture et une poésie qui n’est jamais mièvre.
On peut le parcourir dans le sens qu’il nous plaira, comme son auteure a parcouru les chemins au gré de sa fantaisie, et on sera forcément saisi d’une grande envie de mettre nos pas dans les siens.
