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ACTAULITE PRIX NOBEL DE LITTERATURE : Le Nobel à un immense romancier, Mario Vargas Llosa - Octobre 2010

Le prix Nobel de littérature 2010 a été décerné jeudi 7 octobre à l’auteur péruvien naturalisé espagnol Mario Vargas Llosa, 74 ans

Avec Mario Vargas Llosa, les Nobel ont récompensé une littérature exigeante, accessible et populaire, distinguant un des plus grands romanciers d’Amérique latine et un des plus grands romanciers tout court de notre époque.

Mario Vargas Llosa AFP. P.P Marcou

En termes plus savants, l’Académie suédoise a affirmé l’avoir distingué "pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l’individu, de sa révolte et de son échec". Pour le lauréat, la récompense est "une reconnaissance de la littérature latino-américaine".

Mario Vargas Llosa (édité et traduit en France par Gallimard) offre surtout un plaisir de lecture comme il y en a peu, de "La ville et les chiens", publié en 1963, où il racontait son adolescence dans un terrifiant internat militaire sud-américain au récent "Tours et détours de la vilaine fille", histoire d’amour éperdue du narrateur pour une aguicheuse qui se jouera de lui, du Pérou à Londres ou Paris.

Mario Vargas Llosa : "J’ai cru que c’était une farce"

Réagissant à son Nobel, le romancier a déclaré qu’il s’agissait d’"une reconnaissance de la littérature latino-américaine et en langue espagnole", dans une déclaration à la radio colombienne RCN. "Je ne pensais même pas être parmi les candidats", a dit l’écrivain depuis New York, dans sa première réaction. A la question de savoir lequel de ses romans il préférait, Mario Vargas Llosa a répondu : "C’est comme demander lequel de ses enfants on préfère, on ne peut pas le dire, même si on a des préférences".

L’écrivain a raconté à la radio péruvienne RPP dans quelles circonstances il avait appris que le prix Nobel lui avait été décerné. "J’étais réveillé, je travaillais depuis cinq heures du matin, et le téléphone a sonné. (...) Patricia est apparue, elle m’a dit : ’Un monsieur a appelé en parlant anglais’, la communication a été coupée", a déclaré Vargas Llosa. Le monsieur était en fait "le secrétaire général de l’Académie" Nobel... Au début, "j’ai cru que c’était une farce... " J’ai envie d’aller me promener à Central Park", a ajouté Vargas Llosa, ajoutant que l’annonce de l’attribution du prix Nobel était "une bonne manière de commencer une journée new-yorkaise". Le Nobel est doté d’un prix de dix millions de couronnes suédoises (1,07 million d’euros).

Un immense nom de la littérature mondiale

Mario Vargas Llosa s’est imposé depuis des années comme un des grands noms de la littérature mondiale, auteur d’une oeuvre majeure, à la fois innovante et populaire.

Il a pris la nationalité espagnole en 1993, trois ans après sa défaite à l’élection présidentielle péruvienne (cet homme, de gauche au départ, s’était présent comme candidat de centre-droit, avec un programme néo-libéral contre Alberto Fujimori). Heureusement pour la littérature, il n’a pas été élu.

Né à Arequipa (sud du Pérou), le 28 mars 1936, Mario Vargas Llosa est élevé par sa mère et ses grands-parents maternels à Cochabamba (Bolivie) puis au Pérou. Après des études à l’Académie militaire Leoncio Prado de Lima (qui lui servira de modèle pour "La ville et les chiens"), il décroche une licence de lettres à Lima.

Grâce à une bourse, il poursuit ses études et obtient un doctorat à Madrid. Il s’installe ensuite à Paris, où, marié à sa tante Julia Urquidi, de 15 ans son aînée (qui l’inspirera pour "La tante Julia et le scribouillard"), il exerce diverses professions : traducteur, professeur d’espagnol, journaliste à l’Agence France-Presse. En 1959, il publie son premier recueil de nouvelles "Les caïds". Mais c’est avec le roman "La ville et les chiens" que sa carrière littéraire décolle en 1963. Trois ans plus tard, il consolide sa notoriété avec "La Maison verte".

Séduit par Fidel Castro et la révolution cubaine, il se rend à La Havane qu’il quittera pour regagner l’Europe avec une nouvelle épouse, Patricia. En 1971, l’auteur rompt publiquement avec la révolution castriste et les mouvements d’extrême-gauche, devenant un critique acerbe du "lider maximo".

Le prestige littéraire de Vargas LLosa s’est renforcé avec la parution en 1969 de son roman documentaire "Conversation à la cathédrale". Suivent d’autres succès comme "Pantaleon et les visiteuses" (1973), satire du fanatisme militaire, "La tante Julia et le scribouillard" (1977), inspiré de son premier mariage, "La guerre de la fin du monde" (1982) évoquant la politique brésilienne, "Qui a tué Palomino Molero ?" (1986) sur les violences politiques au Pérou, et "Le poisson dans l’eau" (1993), récit autobiographique, ou encore "Eloge de la marâtre", "La fête au bouc" et "Tours et détours de la vilaine fille".

Une étroite amitié le liera pendant plusieurs années à l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, resté proche de Castro, mais elle se terminera dans un incident qu’aucun des protagonistes n’a expliqué.

Les "formidables années" parisiennes de Vargas Llosa

Mario Vargas Llosa parle avec nostalgie de ses "merveilleuses années" 60 à Paris où il a notamment travaillé pour l’Agence France-Presse (AFP). "Depuis tout petit, je rêvais de Paris. J’étais convaincu (...) qu’il fallait vivre à Paris pour être écrivain parce que Paris était le centre de la culture, de la littérature", expliquait-il dans un entretien avec l’AFP en octobre 2009.

"Ce furent pour moi des années formidables", se souvenait le romancier péruvien depuis son appartement du coeur de Madrid, où il passe habituellement la moitié de l’année."Je me régalais de l’atmosphère comme de l’ambiance intellectuelle... Paris était encore une ville très ouverte et on s’y sentait à la maison dès son arrivée", ajoutait le nouveau Nobel.

Arrivé à Paris en 1959, Vargas Llosa est resté sept ans dans la capitale française où il a travaillé pendant un an et demi pour le tout nouveau service espagnol de l’Agence France Presse. "J’ai un grand souvenir de ces années (...), une époque de grande splendeur intellectuelle" où "tous les grands écrivains de cette génération étaient vivants", les Camus, Sartre, Beauvoir, Mauriac ou Revel, se souvenait-il.

"Je me souviens de certains discours absolument éblouissants du (ministre de la Culture de l’époque, André) Malraux, comme un discours prononcé face au Panthéon pour l’arrivée des cendres de Jean Moulin (...) Quel merveille de discours ! Même de Gaulle avait l’air ému".

Peu après son arrivée à Paris, le nouveau Nobel a travaillé à l’AFP à "la création du service espagnol". "Il y avait là un groupe de Latino-américains et d’Espagnols dont beaucoup ont fait une carrière journalistique remarquable ensuite" comme Juan Luis Cebrián qui est devenu directeur du journal espagnol El Pais puis patron de la maison-mère Prisa.

"Nous formions un groupe très sympathique et j’ai un souvenir magnifique, y compris de l’immeuble très vieux (...) qui craquait, qui tremblait et semblait devoir s’écrouler et qui a ensuite été remplacé par l’édifice nouveau qui existe aujourd’hui Place de la Bourse". Ensuite, Vargas Llosa a travaillé de nuit pour la radio télévision française, l’ORTF, ce qui lui permettait d’avoir plus de temps pour écrire.

A la fin des années 60, il a déménagé pour Londres. "Il y avait un centre qui avait été Paris et qui s’était déplacé vers Londres avec la révolution psychédélique, les hippies..."

(AFP)

Le président péruvien Alan Garcia : "Un grand jour pour le Pérou"

Le prix Nobel de Littérature de l’écrivain Mario Vargas Llosa est "un honneur et un grand jour pour le Pérou", et la reconnaissance du pouvoir de création d’un "Péruvien universel", a estimé le président péruvien Alan Garcia. Mario Vargas Llosa est "un extraordinaire créateur de la langue, un grand romancier et un grand dramaturge, qui a exploré tous les recoins de la création" littéraire, a déclaré le chef de l’Etat dans une réaction à la radio de Lima RPP.

"C’est extrêmement émouvant, un événement merveilleux pour le Pérou", a poursuivi M. Garcia, qui estime qu’à travers la distinction de Vargas Llosa, son pays "entre par la grande porte à l’Académie suédoise". Le Prix Nobel de Mario Vargas Llosa est aussi "un acte de justice" littéraire, a ajouté Alan Garcia, en référence à une distinction maintes fois pressentie pour l’écrivain péruvien ces dernières années. "On voyait tarder cette reconnaissance universelle de quelqu’un qui est vraiment un créateur admirable, avec une constance de travail de plus de cinquante ans", a souligné M. Garcia.

Interrogé sur les idées de Vargas Llosa, Alan Garcia a jugé que l’écrivain est un "libertaire" mais aussi "un voyageur impénitent". Mais son Prix Nobel doit réjouir "même pour ceux qui n’étaient pas en communion idéologique avec lui, car il marque la reconnaissance d’un Péruvien universel, et de la terre péruvienne, présente dans toutes ses lignes et ses métaphores", a-t-il ajouté.

Les lauréats des dix dernières années

 2010 : Mario Vargas Llosa (Pérou)
 2009 : Herta Müller (Allemagne)
 2008 : Jean-Marie Gustave Le Clézio (France)
 2007 : Doris Lessing (Grande-Bretagne)
 2006 : Orhan Pamuk (Turquie)
 2005 : Harold Pinter (Grande-Bretagne)
 2004 : Elfriede Jelinek (Autriche)
 2003 : J.M. Coetzee (Afrique du Sud)
 2002 : Imre Kertesz (Hongrie)
 2001 : V.S. Naipaul (Trinidad/Grande-Bretagne)
 2000 : Gao Xingjian (Chine)

Source : france2.fr
( Le service d’information en continu de ce site est produit par la rédaction de France Télévisions Services Interactifs en collaboration avec les rédactions antenne du Groupe France Télévisions. Il s’appuie en partie sur les flux des agences AFP, Reuters, APTN et CNN).

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