Les membres de l’association de communicants de la Côte d’Azur, sont partis d’un constat quelque peu aberrant : alors qu’Internet est devenu un territoire professionnel incontournable, nous en connaissons mal ou très peu le fonctionnement juridique et législatif. Et pourtant nous sommes confrontés tous les jours à des questions qui relèvent du droit. C’est donc pour lever le voile sur ces zones d’ombre, pour mettre un terme à cette légende urbaine qui fait d’Internet une zone de non droit que Fenêtre Sur Com’ a choisi d’inviter deux professionnelles du Droit à l’Image et du Droit Internet, Maître Isabelle Filipetti, avocate au Barreau de Grasse dont les domaines d’intervention sont le Droit à l’Image et le Droit Internet et Martine Clémente, déléguée régionale de de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle), venue nous parler du Droit des Marques. Toutes deux se sont vues donner la réplique par trois acteurs de terrain : Patrick Gauthey, photographe professionnel et reporter, Michel Bounous, responsable des Editions Baie des Anges et Giovanni Gulino, directeur marketing de l’Hôtel Le Negresco.
Internet n’est pas une zone de non droit
« Internet ne souffre pas d’un vide juridique ! » C’est le message phare qu’ont voulu véhiculer Maitre Filipetti et Martine Clémente de l’INPI tout au long de leurs interventions. Elles ont su répondre aux participants venus en nombre pour connaitre leurs droits et leurs devoirs en matière de protection de leurs œuvres. La confrontation des expériences de chacun des intervenants a permis de mettre en situation des cas concrets de litiges, faisant échos à des jurisprudences précises.
Quelques principes de base à retenir
– Pour les artistes et auteurs : Gardez la preuve du caractère original de votre création, datez-la, elle vous appartient, c’est votre droit d’auteur pour la vie.
– Pour les clients faisant appel à un artiste ou un créateur : si vous n’avez pas signé une cessation de droit, quelle que soit la somme que vous ayez payée, vous n’êtes pas propriétaire des photos ou du site internet que vous avez commandé. Un site internet est une création artistique donc soumise au droit d’auteur, vous ne pouvez la modifier, de même pour une photo, sans l’accord express de son auteur.
– Pour les deux parties : il est donc fortement recommandé d’établir un contrat qui stipulera les droits et les devoirs de chacun avant de démarrer quoi que ce soit. A l’image de Michel Bounous, des Editions Baie des Anges, qui met un point d’honneur à respecter les droits de ses auteurs.
Les lois existent, encore faut-il les appliquer
L’histoire du fameux hôtel emblématique de la Côte d’Azur fait figure de cas d’école. La notoriété du Negresco a grandi en l’absence de la protection de son image et les exemples d’usurpation de son identité depuis les années 70 sont nombreux ! Présente jusque sur de vulgaires objets publicitaires, la célèbre photo du dôme est plus souvent utilisée comme une image libre, faisant dans la plupart des cas l’effet inverse à l’image de marque souhaitée par les propriétaires. C’est la raison pour laquelle le défi est aujourd’hui lancé : redonner ses droits à la communication de l’établissement. Le nouveau directeur marketing investit aussitôt le projet avec pour ambition de faire renaître « Le Negresco, made in french riviera ». Cette reconquête de l’image de marque nécessite de bien connaître la législation et ses interprétations, et c’est avec humour que Giovanni Gulino observe quotidiennement à quel point le droit à l’image est ignoré, voire bafoué.
En la matière, le photographe Patrick Gauthey est devenu connaisseur, bien malgré lui. Il dénonce la trop générale usurpation des œuvres photographiques - notamment par les journaux - et c’est au nom de toute la profession qu’il se bat devant les tribunaux pour le respect du droit réservé. Il revient sur les principes légaux de base (cités précédemment), et décrit quelques cas simples et fréquents, où non seulement les œuvres n’auraient pas dû être utilisées sans accord, mais où elles n’auraient pas non plus dû être transformées.
Internet devrait devenir un domaine du Droit à part entière
La vaste toile que constitue internet est une zone protégée par des droits identiques aux autres supports.
Le contexte relativement contemporain d’Internet et les limites du Droit à l’Image donnent lieu à de nombreux cas de jurisprudence. Comment déterminer les différents degrés de responsabilité selon qu’on soit hébergeur, annonceur, moteur de recherche ?
Et quid des réseaux sociaux ? Internet est un nouvel espace qui ne connait pas de frontières, pourtant la frontière juridique, elle, est bel et bien réelle, alors comment protéger mes droits si je suis en litige avec une personne dont le serveur est à l’étranger ?
Pourtant le droit essaie d’évoluer et de s’adapter au cas par cas. On le voit avec Google qui maintenant aide les marques dans leur chasse aux contrefaçons. Il y a également une autorégulation qui se fait, aujourd’hui, le cybersquatting n’existant presque plus, grâce à l’INPI notamment. Cependant, après 2 heures de conférence et de débats, on sent bien la frustration générale, il reste des zones floues, des questions sans réponse, Internet, n’est-il pas un nouveau champ du droit qui mériterait son propre code ?