Sous le titre générique de « Inch’Allah », Gilbert Sinoué nous livre « Le souffle du Jasmin » premier tome d’une vaste fresque historique dont l’objet est de nous faire comprendre les racines et l’implacable fatalité de l’embrouillamini judéo-palestino-irakien.
Les talents de conteur de Sinoué ne sont pas contestables et largement documentés par des prix littéraires divers et par une palette de sujets tout aussi éclectique. Mais l’Orient, la question juive restent les points cardinaux de l’œuvre et on touche donc peut-être ici à la quintessence.
Pour démêler l’écheveau, Sinoué recourt à une construction u peu « téléphonée : le destin de quatre grandes familles, archétypes, juive, palestinienne, irakienne et égyptienne- le tout observé par un diplomate en herbe français et pimenté par quelques judicieux croisements amoureux, bref, rien que du classique.
Le mérite de Sinoué reste néanmoins, avec une construction aussi traditionnelle, de réussir à rendre palpable son propos, qui n’est ni engagé ni manichéen (tout juste un peu anti- britannique) . Ce qui sous une plume d’historien ou de politologue risquerait à tout moment l’indigestion du lecteur devient ici fluide, agréable à lire, passionnant et compréhensible à la fois. Et le récit n’a besoin d’aucun cliffhanger ou autre instrument de suspens tant on comprend tout de suite que l’émerveillement ou la tension ne sont pas la promesse de l’ouvrage.
Les chapitres sont courts, denses, parfois un peu démonstratifs, mais on reste scotché au livre, car 0 chaque page surgit quelque surprise, des points d’histoire inconnus ou oubliés. Et on voit lentement naître ainsi les tiraillements, les causes et les fondements du sionisme, du terrorisme d’aujourd’hui, de la question irakienne et syrienne, du faux désengagement du monde occidental d’un Orient si stratégique et riche en ressources fondamentales. La religion, finalement, et de manière surprenante, ne prend pas la plus grande part dans ce désordre organisé et échappant finalement à tout contrôle, que ce soit celui des bonnes volontés ou celui de la force.
Si donc vous n’avez jamais vraiment compris pourquoi le monde ne trouve pas de solution à la « question orientale », ce livre, et sa suite prochaine, vous aideront au moins à le comprendre et à le ressentir. Telle est la différence entre dessein historique et dessin romancé : ajouter l’impalpable émotion là où les faits ne nous apprennent plus rien. Donner une chance à l’intelligence du cœur.
Et si « Inch’Allah » n’est pas un grand roman, c’est néanmoins un grand livre.
Voici donc une lecture de plage qui garde tout son intérêt dans une bibliothèque et dont on attend la suite.