| Retour

LECTURE : Couples au bord de la crise de nerfs - par Daniel Schwall - Librairie Quartier Latin Nice

La chronique de votre serviteur hésite aujourd’hui entre la classique recommandation de lecture de plage : facilité » de lecture, tension, sujet de conversation compatible pour la plupart d’entre nous … et plus de sérieux, œuvre de réflexion, qui sait, de style ? Avant, bien sûr la grande soupe de la rentrée littéraire d’automne, où nous n’aurons plus le droit que de nous extasier des états d’âme de nos bons vieux Germanopratins torturés…

Eh bien j’ai trouvé à satisfaire cette double ambition dans ce roman qui se lit d’une seule traite et qui pourtant ne sacrifie pas à la facilité.

Herman Koch, auteur de nouvelles et de romans, mais aussi comédien à ses heures et pendant quinze ans présentateur d’un show télévisé aux Pays-Bas, a connu le succès en librairie avec ce dernier roman, « le Dîner ». 400 000 exemplaires aux Pays-Bas, cela représenterait sans doute quelques millions à l’échelle de la France : autant dire que ce livre est un fait social en lui-même.

Le sujet en est un autre : deux adolescents agressent une SDF et filment leur forfait sur téléphone portable. Leurs parents sont ensemble, dans un restaurant huppé, et doivent réagir à cette situation, aggravée si on ose dire, par le fait que l’un des protagonistes est un homme politique en vue.

Le roman commence en douceur, à la manière d’un film américain, pendant une centaine de pages le lecteur est simplement entraîné dans une vision gentiment sarcastique de deux couples de notre temps. Dans cet exercice déjà Herman Koch surprend à faire des petits riens de l’existence quotidienne des moments d’arrêt sur image, et sans jamais nous lasser, parsème de son poil à gratter des tranches de vies que nous avons sans doute tous vécues.

Quand le drame se noue, le ton reste badin, mais le sujet devient incroyablement violent pour ceux d’entre nous qui peuvent s’identifier à des parents et qui on vu leurs adolescents évoluer sous leurs yeux impuissants vers des comportements à la limite du dégoût et de l’incompréhension générationnelle. Vu à travers les yeux des parents, le comportement de leur progéniture passe au second plan. Le phone bashing de leurs fils est l’occasion de la prise de conscience d’une déroutante incapacité de réaction parentale. Et se posent toutes ces questions qui peuvent causer sueur froides et nuits d’insomnie : si cela m’arrivait, et comment réagir, et comment en sortir ?

Nous ne sommes pas dans un thriller mais nous sommes cloués au livre. Il s’agit de faits quotidiens, horriblement quotidiens, qui nous révoltent vaguement en tant que lecteurs de faits divers, mais qui ici s’imposent à nous dans leur dimension la plus humaine et relationnelle. Il y a du « orange mécanique » dans ce roman, mais « Le dîner » puis sa force incroyable dans la renonciation à tout effet grandiloquent, dans sa placide simplicité.

On sort de là ébranlé, mais sans arriver un seul moment à en vouloir à l’auteur de nous gâcher les vacances. Ce roman qui semble parler d’ados n’est pas une lecture d’ados. Et le sujet , qui formellement se place aux Pays-Bas , est on ne peut plus universel.

Qu’en même temps, de sa manière si peu prétentieuse, Koch nous donne du plaisir de lire, qui s’en plaindra ?

Herman Koch, le dîner, roman, 330 pages, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, Belfond, 18,50€

Artiste(s)