Ce n’est un secret pour personne : le musée Peynet recèle toute la magnifique collection éponyme dont s’enorgueillit à juste titre son conservateur Marc Goujon.
Celui-ci ne se prive pas d’ouvrir régulièrement ses portes à d’autres dessinateurs, offrant une vocation supplémentaire à ce musée reconnu d’utilité publique, celle de musée du Dessin humoristique.
Cette exposition va se poursuivre jusqu’en octobre afin de donner toutes les chances aux élèves des écoles d’approcher un artiste qui réussissait le tour de force d’accorder le sarcasme à la bienveillance.
« Dix ans qu’on y pense à cette expo », explique Marc Goujon.
Une réalisation tardive qui ne s’explique pas vraiment pour des raisons de calendrier, même si les 5 000 dessins de cet artiste n’en finissent pas de tourner autour de la terre.
Décidée il y a deux ans, il a fallu tout ce temps pour trier parmi 4 000 dessins, en faire une première sélection de 250, puis une finale de 140 originaux.
Laissons la responsabilité au conservateur de ce choix délicat. Nous trouvons à son instar que l’esprit de cette exposition est largement teintée d’humour noir -auquel le public n’est pas hostile- légèrement adoucie d’humour moins noir, pour éviter de plomber l’atmosphère.
« Il est bien rare qu’on ne se reconnaisse pas dans ses dessins ».
Marc Goujon n’y met aucune malice. Pourtant, de son bureau, il surprend très souvent les rires parfois gênés que certaines planches déclenchent chez l’un des deux membres des couples : Bosc a l’art de relever les inévitables petits travers et mesquineries qui agrémentent la vie conjugale…
Jean Maurice Bosc, né en 1924, est un autodidacte brillant. Ce besoin de dessiner comme une obsession et un exutoire fut déclenché à son retour de la guerre d’Indochine. Une expérience qui a alimenté son antimilitarisme, aiguisé son regard sur ses contemporains, favorisé son instinct à traquer la bêtise, frôlant sans cesse la représentation de la mort sous un jour drôlatique.
Cette faculté à dessiner ne le quittera plus, le soustraira à la vie privée à laquelle tout homme peut prétendre, et même s’exacerbera jusqu’à sa dérobade finale de la vie en 1973.
De même, courbant le dos sous le poids de la vie, ses personnages falots ne font pas exprès de provoquer le rire du spectateur. Ils se heurtent bien souvent à des événements plus grands qu’eux et ne s’en extraient que davantage voûtés. Nous rions souvent avec un certain malaise, mais nous rions, tout en reconnaissant une grande poésie dans l’élégance, la fluidité, la simplicité du trait d’un homme qui disait ne pas savoir dessiner (ce qui nous fait bien rire quand même).
Les lecteurs du Paris Match le voyaient côtoyer Mose, Chaval et Sempé.
Ils l’ont peut-être aperçu les suivre dans le même élan à l’étranger, jusqu’aux Etats Unis où il reste l’un des « princes de l’humour noir ». Claire Bretecher, Copi et Wolinski s’en inspirent. Qualifié de dessinateur à la gomme - parce qu’il gommait tout ce qui lui semblait superflu - Bosc par ce tour de force visionnaire demeure vivant et très actuel.
Donc, bienvenue en « Boscavie », dont le royaume se trouve place Nationale à Antibes.