Des quartiers populaires d’Alger au Prix Nobel de littérature reçu en 1957, Albert Camus a développé dans son œuvre une pensée humaniste fondée sur la prise de conscience de l’absurdité de la condition humaine. « L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde » (Le Mythe de Sisyphe, 1942) : deux forces s’opposent, l’appel humain à connaître sa raison d’être et l’absence de réponse du monde dans lequel il se trouve. Pour Camus, l’absurde ne doit pas se résoudre. Le suicide, solution pour faire taire cet appel humain, est donc exclu. L’absurde est générateur d’énergie. C’est le point de départ de la révolte : accepter l’absurdité de ce qui nous entoure comme une étape nécessaire, mais pas comme une impasse. Cela suscite une révolte qui peut devenir féconde.
Camus envisage ainsi la révolte comme une réponse à l’absurde. Si l’homme absurde se prive d’une vie éternelle - Camus réfutant les religions - il y gagne en liberté d’action. « Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. » (L’homme révolté, 1951) : la révolte est donc mouvement, elle conduit à l’action et donne un sens au monde et à l’existence. Camus justifie ainsi la rédaction de l’homme révolté : « je n’aurais pas écrit l’homme révolté si, dans les années 40, je ne m’étais trouvé en face d’hommes dont je ne pouvais m’expliquer le système et dont je ne comprenais pas les actes. Pour dire les choses brièvement, je ne comprenais pas que des hommes puissent en torturer d’autres sans cesser de les regarder ». Quels sont les moyens de la révolte ? Camus pose à la révolte de l’homme une condition : sa propre limite. Sa pensée est humaniste : la révolte n’est pas contre tous et contre tout ; elle extirpe l’homme de la solitude car elle est collective, c’est l’« aventure de tous ».
L’homme révolté, c’est enfin la recherche de la mesure, une forme de sagesse que Camus appelle « la pensée de midi ». Cette « pensée de midi », image qui lui vient de Nietzsche, est sens de la mesure et respect des limites, au nom de cette part inaltérable de l’humain dans l’homme.