Ils étaient une fois cinq créateurs, tous
différents mais réunis comme les cinq
doigts de quand il s’est agit, au tournant
des années 70, d’explorer le processus
pictural, de redéfinir de nouveaux enjeux au
delà du châssis. C’est d’ailleurs à ce titre que
le groupe 70 sera également invité cet été
au Musée Fernand Léger pour l’exposition
« la peinture autrement ». Ce pari, Louis Chacallis,
Max Charvolen, Martin Miguel, Vivien
Isnard et Serge Maccaferri le relevèrent sans
connaitre le succès médiatique de leur ainés,
Ben, Arman ou César. António Sapone, qui défend
depuis prés de 40 ans deux membres du
groupe (Louis Chacalis et Vivien Isnard), a souhaité
redonner un coup de projecteur sur le
quintet. Paola Sapone, directrice de la galerie
explique « Quand Maurice Fréchuret, directeur
des Musées nationaux des Alpes-Maritimes
nous a convié à participer à la Côte d’azur et
l’Art contemporain, nous avons choisi de faire
une exposition hommage autour des oeuvres
emblématiques de ces artistes dont les travaux
n’ont pas finit de faire couler de l’encre.
Nous avons d’ailleurs sollicité Jacques Beauffet*
et le critique d’art, Raphaël Monticelli afin
de prolonger l’exposition par la publication
d’un ouvrage relatant cet épisode fondateur ».
Le club des cinq
La trajectoire du groupe 70, R. Monticelli eu
tout loisir de l’étudier. Il est étudiant en lettres
en 1967 quand il se rapproche de ces artistes
qui allaient fonder le groupe 70, en créant un
noyau de réflexion et une revue d’art avec
Marcel Alloco. Le Label « Intervention » portera
ainsi, autour d’expositions et de dossiers,
cette seconde vague niçoise dont les préoccupations
s’écartent de celles des Nouveaux Réalistes
et de Fluxus. La genèse, se jouera dans
une même d’unité de temps et de lieu comme
au théâtre. R. Monticelli se souvient : « A la
différence de Support surface, le groupe 70
est très ancré sur Nice. Tous sont de la même
génération et se rencontrèrent entre 1964 et
1967 à l’Ecole des Beaux Arts, rue Tonduti de
l’Escarène et dans la proche boutique de Ben »
En ces temps de remise en cause des valeurs,
la première soudure du groupe se fera suite à
l’expulsion de l’un d’eux « Les Art déco avant
68, c’est le carcan ! Les conflits avec la direction
éclatent. Macafferi est viré pour avoir punaisé
aux murs une reproduction de Cézanne.
Pour le soutenir ses copains se mettent en
grève. Résultats, sont mis à la porte : Charvolen,
Maccaferri, Miguel, et un jeune professeur
qui a pris leur défense, Claude Viallat » Dés
lors, rejoins par Isnard et Chacalis, les cinq artistes
se croiseront et partageront les mêmes
cimaises, en duo ou en trio chez Ben, à Tours
en 1969 et chez Alexandre de la salle à Vence.
Le groupe 70 naitra officiellement en janvier
1971 lors d’une exposition dans l’appartement
de Chacalis, rue de la préfecture.
Artistes scientistes
Mais qu’est qui rapprochent ces créateurs
en peu en marge. « Contrairement à support
surface qui cultivent le verbe politique,
les cinq artistes ne parlent que de peinture.
Dans l’après 68 où le maoïsme fait flores, eux
n’hésitent pas à dire : Nos problèmes sont des
problèmes de formes ! » Car les artistes du
groupe 70 qui ont vécu l’effervescence qui secoue
alors le landernau niçois, les premières
monstrations de la Fondation Maeght, oeuvrent
à faire sortir la peinture de son cadre,
pense autrement le rapport aux formes, aux
accrochages. « Le groupe 70 déconstruit le
tableau en analysant ses composantes : peinture,
surface et épaisseur. La toile est déjà
un volume, c’est le recto et le verso ! Ce qui
conduira Chacalis à pratiquer la vision en
trois dimensions via l’anamorphose ou les
arcs tenseur ».
Au tout à l’égo, le groupe 70
préfère envisager l’art plastique comme une
recherche fondamentale. Chacalis, Miguel,
Charvolen Isnard, Macafferi, ne travaillent pas
sur un vocabulaire de formes agencé de façon
à produire des effets mais, face des problématiques
comme le vide et le plein, l’espace
de travail, le pigment, inventent de nouvelles
techniques. Entre l’atelier et le laboratoire les
frontières deviennent poreuses. Charvolen qui
a suivit un cursus d’architecture notamment
chez Oscar Niemeyer, découpe la toile, la colle
sur des espaces et l’arrache. Pour mettre au
point cette glue « clairvoyante », il collabore
avec l’université de Toulouse. Dés les années
80, il réalisera un travail de mise à plat numérique
via un programme élaboré avec un chercheur
de L’INRIA. Vivien Isnard, qui a suivit un
cursus scientifique au lycée Masséna explore
la réaction chimique des pigments, les techniques
de teintures à froid et à chaud, et revendique
son approche de l’astrologie comme
scientifique. Miguel se met à faire de la peinture
avec du béton, Macafferi à travailler avec
des cendres, des brulures, des remplissages
de matières, des accumulations de toiles.
Tous partagent cette quête plastique proche
de l’ascétisme qui renvoi à l’abstraction mais
qu’aucun ne revendique comme telle.
« C’est un travail de fourmis, une oeuvre de pugnacité,
d’humilité dans le sens étymologique :
prés de l’humus, du sol, celui qui creuse. Une
intransigeance qui fait que leur univers est
plus dur à pénétrer qu’un autre, même s’il
peut être spectaculaire comme les toiles colorés
d’Isnard où les anamorphoses de Chacalis
» souligne R. Monticelli. Et pourtant, le
groupe 70 survivra à « Support surface ».
Il ne se séparera qu’en 1973, réalisant en
1979 une ultime exposition en trio : « Nice
à Berlin » Après la dissolution définitive du
groupe, à l’orée des années 80, trois rétrospectives
auront lieu : à Nice, à Strasbourg et
en 1992 à Marseille.
Celle que lui consacre
cet été la galerie Sapone devrait permettre de
mieux apprécier le rôle joué par ces cinq têtes
chercheuses au sein de l’école de Nice « Le
groupe 70 n’a pas été porté comme il aurait du
être. Il méritent d’avoir son propre chapitre ! »
C’est pour, Paola Sapone tout l’enjeu de cette
exposition qui se déroulera en présence des
artistes du 17 juin au 30 juillet.