Ce 18ème millésime resserré sur juillet se partage comme le veut la tradition entre découvertes, talents émergents et locomotives. De quoi satisfaire tous les publics, toutes les générations et ménager quelques bonnes surprises.
La soirée du 16 juillet promettait une belle affiche, Mario Biondi et Charlie Winston.
Le transalpin à la voix chaude et le Hobo inspiré des Cornouailles. Un chaud et froid au cœur de l’été !
Mario Biondi : Love song !
Dès les premières notes vocales portées par le tempo soul légèrement cuivré on devine que Mario Biondi a été bercé par le jazz et le R&B des seventies.
Cette voix profonde posée a grandi dans les chorales d’église de sa Sicile natale et auprès des stars du bel canto. Les morceaux s’enchainent et toujours cette impression d’entendre un Barry White vraiment blanc. Même chaleur, même tessiture, même phrasé sur des mélodies soyeuses pulsées pour la love story.
Mario Biondi est pourtant physiquement aux antipodes du maestro de l’amour qui affichait 1,92 m pour 150 kg, un poids lourd qui écoula quelques 120 millions d’albums. Sec comme coup de trique, Biondi lui sautille, fait des bonds. Il anime l’espace sans en prendre réellement possession, mais son set est très professionnel et la croisière file bonne allure.
On aimerait que cela décolle un peu plus parfois. Sur « Open up your eyes » qui raconte le retour à la bien aimée dans un aéroport on a l’impression d’avoir fait un Nice-Rimini plutôt qu’un New York-Miami. Mais l’artiste offre un moment agréable de soul revisitée peut être avec trop de respect et pas assez d’audace ? La foule venue en masse a goûté ce moment de fraicheur vintage mais semble attendre celui qui viendra embraser cette chaude soirée d’été.
Charlie Winston : De feu et de glace !
La nuit est tombée sur Vence. La tension est palpable autour de la très belle scène des Nuits du Sud.
Chapeau mou vissé sur l’oreille, costume trois pièces en lin crème Charlie Winston, prend le micro entouré de ses musiciens en combinaisons bleu roi.
Droit tel un petit soldat faisant front à la mitraille, l’assaut est imminent. Dès « Truth » extrait de son dernier album, dès les premières semonces le barrage vençois est ébranlé par une immense vague.
Chansons après chansons Charlie Winston, s’impose comme le maitre des vents et des marées.
Un orfèvre qui joue avec le feu et la glace, la gravité et la légèreté, le doux et l’amer.
Si sa voix et sa musique, creuset d’influences Nord-Sud, nous renvoient parfois aux bons souvenirs de Peter Gabriel (surtout sur Curio City), ce n’est pas un hasard.
L’ex leader de Genesis devenu l’alchimiste de la World Music l’a soutenu dès les débuts et lui a offert son premier lp sur son label Real World.
Tout comme « Pet Gab », Charlie Winston est de ses rares auteurs interprètes, à être en live réellement habité, possédé par ses rêves et ses démons.
Il ne triche pas, le public le sent, le courant passe naturellement.
Et si la route est son brouillon, la scène est son exutoire ! Charlie Winston y vit ses chansons à 200 %. Autant dire qu’à Vence le petit prince de la Brit Pop nous régala de sa démesure créative et de son punch de performer.
Depuis sa percée en France en 2009 avec l’album « Hobo », ce dandy vagabond ne s’est jamais séparé de son look dandy romano.
Charlie décoiffe. Ce soir là à Vence il fit même tomber son galure alors que la foule sentait le vent du boulet venu des Cornouailles.
Il interpréta quelques hits de ses premiers LP dont « In your Hand », l’étrange "My life as a duck" ou l’imparable « Like a Hobo » repris par le public. Un tube qui le propulsa en 2009. Cet air siffloté est la profession de foi d’un artiste nomade, qui se sent proche des gens du voyage.
Porté par la foule euphorique, descendant dans l’arène sur « In Your hand », il joua également de nombreux titres de « Curio City » (Truth, Too long, Wilderness etc), son troisième opus paru en janvier 2015 qui préside à cette nouvelle tournée débutée à Paris.
Car Charlie est l’un des rares sujets de sa majesté qui réussît mieux en France que dans la perfide Albion. Le plus français des song writers britanniques a d’ailleurs enrôlé dans sa bande pour ses précédents LP deux niçois Medi (ex Medi and the medecine show) ami d’enfance, complice des débuts, et Daniel Marsala (ex Valseuses et Archimède). Ses chansons harmoniquement tirées à quatre épingles, comme son costume rétro ne sont que la surface de l’iceberg de son univers. Sa musique c’est comme une rivière, aime t’il dire : « Tout est calme en surface mais il se passe beaucoup de choses en dessous. Avec le rythme j’entraîne le corps, mais après je veux entraîner l’esprit".
La comparaison prend toute sa mesure avec les chansons de « Curio City » moins calibrées folk-rock, mais qui emportèrent à Vence autant de suffrages que ses anciennes prouvant que ce compositeur né n’a pas son pareil pour triturer la matière et faire mouche à chaque fois.
Avec cet opus enregistré et réalisé entièrement dans son studio londonien, l’auteur multi instrumentiste a voulu franchir un nouveau cap, en rajoutant à ses nombreuses influences, (pop, rock, musique classique, tzigane, Hip-Hop, etc) une touche d’électro.
Pas pour être à la mode, mais par goût de l’électro vintage, des synthés. Là encore plane l’ombre de L’ange Gabriel, touche à tout génial, faisant son miel de toutes les tendances musicales.
Avec un son aussi surpuissant que raffiné, une orchestration à la mesure de sa mosaïque sonore, Charlie Winston a fait monter l’adrénaline. A le voir seul au piano, en transe extatique sur "Running Still" ou dans ses chorégraphies énervées (Lately) nul doute que ce que produit ce petit bonhomme est trop grand pour lui appartenir seulement.
Pour son baptême vençois, l’artiste libéra une déferlante d’émotions, donna le vertige au public, plongea ses fans dans l’ivresse d’une musique qui nous dépasse d’une tête et force l’auditeur à se hisser. Une grâce contagieuse ? Après tout c’est bien là, la marque des vrais talents.
Chapeau l’artiste !
En live aux Nuits du Sud, nous étions tous Charlie et avec lui nous avons passé la vitesse supérieure !
On peut juste regretter que la Place du Grand Jardin qui offrait un bel espace ouvert, à embrasser du regard à 360 degré, ait perdu un peu de son charme originel.
Comme partout il a fallu installer un espace VIP. Mais ce gradin de deux niveaux barre la vue de la scène, côté Avenue de la Résistance. Les nombreux restaurants qui entourent la place ont eux aussi, face au succès du festival, déployé leurs terrasses, venant mordre à belles dents sur la place.
On espère que les organisateurs face à ses contingences financières puissent préserver le charme et l’authenticité de ce festival populaire. Malgré ce léger couac Les nuits du Sud reste l’un des rendez vous estival sans fausses notes, toujours attendu pour la qualité de sa programmation. Profitez vite du dernier week end !!!