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Rire Jaune : YUE MINJUN : Rire…avant d’en pleurer ?

Yue Mijun, pour sa première exposition en Europe offre à la Fondation Cartier une arme imparable contre le totalitarisme : Le rire par l’absurde. Le rire du désespoir. Un rire de résistance.

YUE MIJUN ©Harry Kampianne

Sa peinture semble inoffensive, accueillante presque naïve. Elle l’est au premier abord. Mais il y a ce rire distendu, forçant sur les zygomatiques avec ces yeux complètement plissés. Un rire tendu comme une corde de violon pareil à un cachet labellisant la plupart de ses tableaux. Il ne s’en cache pas. Ce rire, c’est lui. C’est son autoportrait crispé dans différentes poses. Parmi une partie des tableaux exposés en sous-sol, un diaporama, concocté par le frère de l’artiste, le représente l’air hilare vêtu d’un slip en une suite successive d’attitudes distordues. Que se cache t-il derrière ces bouches béantes pleines de dents, ces commissures de lèvres tendues vers le ciel ? Peut-on y voir une farce tragique, une tragi-comédie dérivant des exactions d’une Révolution Culturelle hantant encore les esprits de millions de chinois ?
Dragon pas mort
Car, au cas où vous en douteriez, Yue Mijun est chinois né en 1962 à Daquing dans la province de Hei LongJiang. Une époque où Mao Zedong envoie son bon peuple en villégiature dans des camps de rééducation pour un bol de riz chapardé au voisin qui aura pris soin de vous dénoncer au kapo du quartier avide de galons. Les réformes engagées par Deng Xiaoping au début des années 80, ont permis à la Chine de s’ouvrir et de créer des rapports plus cléments avec le monde occidental. C’est l’ouverture de l’économie chinoise au marché mondial. Une aubaine encore frileuse pour la liberté de création. La répression ne désarme pas pour autant. Le petit livre rouge fait toujours office de Bible au sein de la propagande. Les massacres de la place Tian’anmen (mai/juin 1989) fragilisent les quelques germes d’espoir plantés dans le cœur d’une génération marquée par l’histoire de la Chine contemporaine.

The Massacre at Chios ©Harry Kampianne

Le rire comme exutoire
Il faut survivre et donner à l’autodérision tout son poids, ne serait-ce qu’en exagérant l’uniformisation de la société chinoise que l’artiste peint le plus souvent en bleu et rose. Couleurs pastels forçant sur le pop art, accent sur un graphisme stylisé et outrance du trait immuable lorsque le personnage, en l’occurrence son autoportrait, se démultiplie à l’infini. Au-delà de ce même éclat de rire lancé à profusion, des associations d’images liées au patrimoine et aux symboles de la Chine viennent se greffer en arrière-plan. The Execution, inspiré de La Mort de l’Empereur Maximilien de Mexico d’Edouard Manet (1868), met en scène un peloton d’exécution et des condamnés hilares avec pour toile de fond la Cité Interdite. Yue Minjun se défend d’être catalogué comme membre influent du "Réalisme Cynique", célèbre mouvement artistique chinois des années 90. Il rit pour cacher son impuissance. Il rit pour ne pas pleurer en silence, pour ne pas sombrer. Le rire, comme arme de dissuasion massive lancé à la face du monde, j’adhère.

Fondation Cartier
261, Boulevard Raspail - 75014 Paris
www.fondation.cartier.com
Jusqu’au 17 mars 2013
Entrée : 9,50€

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