Benoit Barbagli « Symphonie Sous-Marine » : Un art qui privilégie l’interaction
L’artiste ne créé jamais seul, chaque œuvre d’art naît des interactions de l’artiste avec son environnement, ses proches ou des problématiques nées des discussions avec ses pairs… Cette évidence est mise en œuvre à travers les situations créées par Benoît Barbagli et qu’il fixe sur de grandes photographies : balades en groupes dans la montagne, courses dans la neige, réunions autour de feux de camp…
À ces situations, il associe un concept émotionnel : la joie. Elle m’est souvent apparue, dit-il, « comme un médium puissant, créateur de liens et favorisant la construction du commun ».
De la « joie de vivre » au « feu de joie », faire de l’art avec un concept aussi affectif nécessite une approche particulière au delà du visible, pourtant essentiel dans l’art.
Créer des situations incluant la mise en œuvre psychologique d’un groupe tient du théâtre, de la performance, du jeu de rôle. L’artiste devient l’animateur, le metteur en scène en même temps que le créateur d’une esthétique.
Pour cela, il doit « porter une attention aux relations entre les participants », les stimuler, les inspirer afin de créer des situations produisant cette émotion.
Liée à la liberté, la joie est une forme pratique de la sagesse au delà de la raison pour s’accomplir dans le groupe. Pour Deleuze, « elle est la puissance même de production du désir qui permet d’accepter le réel dans toute sa cruauté ». Elle est un état d’âme. Pour la faire jaillir, Benoît se sert de médias comme les instruments de musique (la trompette particulièrement) ou les fleurs.
Pour l’exposition « Symphonie Sous-Marine » qu’il propose dans la superbe citadelle, à quelques mètres des eaux de la Rade de Villefranche, de grandes et belles photographies (prises de vues sous-marines, sub-marines ou par drone) où le bleu et le turquoise dominent nous apparaissent d’abord comme autant de compositions aux couleurs vives qui font contraste avec le vert des jardins.
Quand on s’approche, on distingue les baigneurs dans leurs rondes marines ou dans des danses solitaires accompagnées d’instruments de musique inaudibles.
L’immersion dans l’eau nous renvoie évidemment à nos origines prénatales où nous avons été baignés pendant neuf mois à la suite d’une certaine rencontre dans un milieu aqueux, celle d’un spermatozoîde et d’une ovule. L’élément liquide est inscrit dans notre inconscient, chargé des souvenirs et des émotions les plus primitives.
Dans une échauguette dominant la mer, une grande photo imprimée sur un voile très fin insiste sur le sentiment de légéreté et de vol qu’on peut ressentir dans la nage sous-marine.
Le désir de Benoît de construire une éthique de l’émotion liée à une esthétique s’affirme d’exposition en exposition. A suivre, bien sûr…
Estrid Lutz « Chaos Sensible »
Toujours dans la citadelle, dans l’ancienne chapelle sont présentées les créations plastiques de formes biologiques en verre d’Estrid Lutz conçues lors de sa résidence au Cirva – Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques de Marseille.
Le verre a cette particularité de passer d’une forme liquide quand il est soumis à de hautes températures (plus de 1400 degrés) à une apparence solide lorsqu’il froid. C’est sa structure chaotique qui permet d’imprimer une grande plasticité à ses formes et de le colorer.
Vivant au Mexique à Zicatela, au sein d’une nature traversée par des forces puissantes, les œuvres de l’artiste mêlent ses recherches sur les organismes biologiques aux récentes technologies humaines pour produire de nouvelles formes renvoyant à de structures microscopiques ou cosmiques.