Marc Piano vient de la grande tradition de la céramique vallaurienne.
Il découvre la poterie à l’âge de onze ans. À vingt, il est déjà tourneur et à 23 ans, a déjà créé son premier atelier.
À Vallauris, c’est l’effervescence, la grande période de la céramique artistique impulsée par Picasso. Les ateliers tournent à plein et vendent leur production dans le monde entier.
Marc Piano voyage, se forme, se diversifie. Maître potier, il enseigne, expose un peu partout en France, mais aussi en Italie, en Allemagne, en Suisse, en Hongrie, etc. Ses créations personnelles ont pour sujets des masques, des totems et un bestiaire impressionnant venu d’un univers onirique un peu effrayant où pointes, machoires aux dents acérées, cornes, etc., forment un étonnant contraste avec la douceur de l’homme.
Eric Andreatta, lui, vient d’un univers plus conceptuel.
Créateur de grandes installations (comme au Château de Carros), il poursuit depuis des années un travail original avec le blanc d’Espagne, cette craie blanche et calcaire (CaCO3) au grain particulièrement fin qu’il gratte à l’aide de divers outils ou d’éponges pour obtenir des effets insolites ou faire apparaître des reliefs géologiques ou marins.
Les deux artistes, pour exprimer ce « Trop c’est trop » reviennent sur la technique la plus ancestrale du potier : le colombin.
Importée d’Amérique du Sud après la découverte de Christophe Colomb (d’où le nom), cette technique s’est mondialisée. Elle avait été utilisée déjà depuis plus de vingt mille ans en Europe, puis négligée au profit du tour de potier (apparu 3500 ans avant notre ère) qui va permettre de réaliser plus rapidement toutes sortes de contenants (cruches, jarres, amphores, etc.)
Au contact de la très raffinée céramique Inca, les céramistes se réintéressent à cette ancienne technique, l’enrichissant de nouveaux apports (émaux, couleurs, fours plus puissants, etc.)
Le colombin utilisé par les deux artistes, n’est pas roulé à la main, il coule en continu d’un pressoir (le filet est filmé en gros plan et projeté sur un mur).
Le geste de l’artiste, dans ce cas, n’est pas celui de modeler, mais de recevoir le serpentin dans un bol, en le tournant pour lui donner une forme (la main devient le tour).
La terre foncée chamottée prend alors l’apparence d’un épais fil de fer plus ou moins enroulé.
Quand le bol est plein et déborde (quand il y a littéralement plus que ras le bol), le geste de l’artiste est d’arrêter à un moment déterminé l’écoulement de matière.
Dans ce travail de Eric Andreatta et de Marc Piano, le temps et le mouvement sont mis en œuvre sans que la main agisse directement sur la matière.
Le temps de séchage et la cuisson doivent ensuite être maîtrisés car le serpentin peut casser et perdre sa continuité et son apparence de fil qu’on dévide.
Une dizaine de scultures sont exposées, chacune ayant sa personnalité, son esthétique singulière. On peut y lire des amas de fils, de câbles, de nœuds, de serpents, un bol renversé exprimant la limite extrême du trop.
À découvrir à l’atelier de Marc Piano, 37 avenue de Cannes à Vallauris
jusqu’à la fin janvier.