PHOTOGRAPHIES DE NICOLAS GUILBERT
C’est l’anachronisme de l’animal dans la ville qui a conduit Nicolas Guilbert à s’intéresser aux bêtes. La révélation s’est produite lors de ses nombreux voyages en Inde où éléphants, singes, chiens évoluent tout naturellement au milieu des hommes. Il n’a pas d’animal de compagnie, il aime les hommes et les villes. Nicolas Guilbert est un citadin et la pratique de la photographie l’a rapproché du monde animal. De longues promenades dans les villes lui ont permis d’exercer conjointement son amour des images et son goût pour la capture. Très cher instant décisif !
Entre le premier cliché à l’Instamatic d’une tête de girafe dépassant du toit d’un camion, publié dans la rubrique des lecteurs de Paris-Match et le premier livre, Animaux et cie, rassemblant trente-cinq années de prises de vues, il y a eu toute une vie avec les images. Le dessin, la peinture, l’illustration, la mise en page de livres et la fréquentation des photographes qu’on admire. Lui, n’était pas photographe, il prenait des photos. Sans se vanter. Ici, on n’aime pas les touche-à-tout alors les touche-à-tout autodidactes, vous pensez !
Il lui aura donc fallu toute une vie, et même une deuxième, pour renaître en photographe.
Voici les images qui mêlent humour tendre et mouvement enchanté. Regardez ce portrait d’un petit chien grimpé sur un lit à baldaquin devenu un aristocrate à fraise dans un décor de riches tentures. Longtemps, Nicolas Guilbert a pratiqué le noir et blanc, tradition de la photo de rue oblige. Puis, un matin, il est allé voir du côté de la couleur et soudain c’est comme une pièce que l’on rafraîchit, un tableau qu’on dépoussière. Le voilà classique de plain-pied dans la modernité.
Marcher. Longtemps. Regarder, regarder mieux, capturer, regarder plus, attendre, capturer. Puis s’enfermer dans l’atelier et regarder à nouveau. La photographie est une histoire de désir. Le spectacle du monde est le même pour tous. Et puis, il y a celui qui désire plus que tout que ça arrive, que ça s’équilibre. Alors, un bref instant, le chaos prend forme sous ses yeux. Ainsi naissent les images, et avec elles les
photographes.
Nathalie Cattaruzza - avril 2015
SCULPTURES DE MARIE CHRISTOPHE
Proche de la nature, des arbres et des fleurs, Marie Christophe n’a cependant pas de compagnons à poils, à écailles ou à plumes. Hormis les deux inséparables de l’atelier, sa maison n’accueille pas d’animaux et pourtant, depuis presque vingt ans, elle élabore un élégant bestiaire en fil de fer aussi léger qu’une plume d’oiseau. Le thème particulier de l’animal lui procure une liberté de création que la représentation anthropomorphique ne lui permettrait pas. Trop de références. Marie Christophe est un sculpteur qui faute de s’ennuyer dans son travail poursuit inlassablement et avec bonheur les mêmes gestes, dévidant sa pelote de fil de fer au gré des commandes et de l’inspiration.
Elle a suivi à Paris l’enseignement d’une école de dessin très académique puis celui d’une école de volume. Elle a étudié toutes les techniques et utilisé tous les matériaux, sauf le fil de fer.
Très vite après l’école, l’urgence de travailler, de faire, ressenti presque comme un besoin physique la pousse à demander une place dans l’atelier d’un ami. Elle veut se faire toute petite, discrète. Grâce à ces contraintes d’espace, elle découvre le matériau parfait. Depuis, installée dans le Gers, elle travaille le fil de fer de deux millimètres de diamètre.
Un détail qui est le secret de son travail. Ainsi, elle peut tordre, plier la matière et lui donner une forme simplement en faisant des nœuds. Elle refuse d’utiliser la soudure. Elle ne veut pas du masque, du bruit, de l’odeur qui en découlerait. Cette limite l’oblige à donner une solidité intérieure aux sculptures, une charpente invisible. Il faut que tout s’équilibre.
C’est donc dans un atelier propre, bien rangé et presque silencieux qu’elle dessine dans l’espace. En noir et blanc, comme ces croquis rapides qui capture l’essence de leur sujet en quelques lignes. La sculpture animalière de Marie Christophe est de cet ordre. Puis elle colorie en ajoutant parfois des céramiques, des billes de bois, des perles. Une fois l’idée en tête, il faut aller vite. C’est comme une naissance. Les
fines silhouettes réticulées semblent parfois entamer, au hasard de leur disposition dans l’atelier, un dialogue fortuit qui fait sourire leur créatrice appliquée à sa tâche. Une complicité que ses créations, poulpe, flamand rose et oiseaux poursuivront joyeusement à la galerie arlésienne dans les vibrations de la Camargue et de la Méditerranée toutes proches.
Nathalie Cattaruzza - avril 2015