Dans cet art ironique qui se moque de lui-même et des représentations caricaturales de l’Afrique par les Européens, le symbolique tient une grande place : initiation, culte des morts, magie, animalité sont très présents.
Souvent composée de matériaux de récupération, de déchets de plastiques (chaises en plastique évoquant des voiles) organisés pour en renforcer l’expression, chaque œuvre est un assemblage complexe, disparate, un collage de toutes sortes de matières colorées.
Un thème est récurrent : celui des déplacements, des migrations, des traversées. Plusieurs grandes installations sont des bateaux remplis à ras bord de toutes sortes d’objets, de corps morcellés, de têtes de poupée, etc. Il y a même un bateau... rempli de bateaux (tout petits) et une mer de tongs !
Un autre belle installation constituée de fils lestés de statues miniatures représente une sorte d’arbre à idoles dominant une pyramide de galets (magnifiés par leur emballage en feuille d’aluminium ménager).
À voir aussi, une série de crânes, chacun surmonté d’une scène de la vie quotidienne : l’école, la dispute, le conseil de famille, etc.
L’aluminium des boites des canettes de bière ou de soda est le matériau le plus répandu.
Facilement travaillé, il se prête à toutes les utilisations. Découpé en pétales, assemblé, troué, sculpté, il fait aussi office de tissu pour constituer des vêtements comme la très longue traîne étincellante du monarque aux cheveux hérissés qui nous a rendu visite accompagné d’un griot.
Ces artistes dont la grande majorité vivent dans leur pays nous offrent un art ouvert, coloré, généreux, décalé, ayant le désir d’affirmer des racines et une culture attaquée par la mondialisation et les produits générateurs de déchets.
"Stop Ma Pa Ta" (Ma matière première n’est pas ta matière) est le titre d’une œuvre de Benjamin Déguénon qui représente avec ironie la manière dont les grandes compagnies industrielles occidentales, russes ou chinoises exploitent, dans le plus grand mépris des peuples locaux les ressources minières africaines. En détournant ces matières, en les transformant en œuvre d’art (ils ne veulent plus entendre parler d’art de récupération, mais de transformation), les artistes s’impliquent dans cette lutte contre le pillage de leurs idéaux et de leurs matières premières échangées contre des matériaux et des idéologies où le culte de l’individu et de l’argent se sont imposés, broyant les sagesses et les fraternités acquises par les communautés grâce à des siècles de culture.
Richard Korblah, Edwige Aplogan, Aston, Benjamin Déguénon, Daavo, Kifouli Dossou, Euloge Glèglè, Prince Toffa, Charles Placide, Psycoffi, Gérard Quenum, Julien Vignikin, Didier Viodé et Dominique Zinkpé
Commissariat : André-J Jolly et Eric Mangion