Né en 1937 à Marseille, sa famille originaire de Riga en Estonie rejoint Nice et s’installe au Regina face au site de Cemenelum.
Son intérêt pour l’Antique est sûrement né au contact de ces ruines romaines.
Une série de rencontres importantes : Matisse, son voisin, et surtout Yves Klein, Martial Raysse et Arman vont l’aider à affirmer son goût pour l’art, mais il poursuit d’abord des études éclectiques en sciences politiques, en droit et en cinéma avant de travailler pour la presse et pour la télévision.
En 1961, il crée à Nice la revue « Sud-Communications » où il énonce, dans le numéro de juin, la première analyse théorique de ce qui deviendra « l’Ecole de Nice ». Il réalise également diverses émissions sur le cinéma pour Télé Monte-Carlo.
Reporter de guerre en Irlande, au Bangladesh et au Biafra dans les années 1967-68, il publie son premier livre : « Biafra, proximité de la mort, continuité la vie » (préfacé par le professeur Wolff, prix Nobel, et Pierre Emmanuel de l’Académie Française, aux Editions Fayard).
La vue des horreurs guerrières le conduira au concept d’oblitération (« cacher pour mieux voir »), un pendant des concepts d’Accumulation d’Arman ou de Compression de César. L’Art depuis Duchamp n’est plus figuratif ou abstrait, les artistes créent désormais des œuvres avec des objets ou des concepts.
Après l’oblitération des photos, il applique son concept à la sculpture. Un champ immense de création s’ouvre. Il revisite tout ce que l’histoire nous a légué : des statues sans têtes, sans bras, sans bustes…
Sosno crée alors un riche vocabulaire de formes oblitérées par la masse, par le vide, par le cadre, par des barres, des signes, des lettres, etc., autant de modes d’oblitération présentées aujourd’hui sur un site archéologique majeur, un des plus vastes et plus beaux ensembles de France concernant la période romaine.
Situé sur la voie Julia Augusta qui rejoint Rome, la ville de Cemelenum a été créée pour romaniser la région après que les armées d’Auguste aient fini de soumettre une cinquantaine de tribus cisalpines (le Trophée de la Turbie a été bâti pour célébrer l’événement).
La ville a prospéré, elle est devenue une cité importante dont les fouilles archéologiques ont mis au jour qu’une petite partie comprenant trois grands ensembles thermaux, un amphithéâtre pouvant contenir plus de cinq mille spectateurs, et deux rues est-ouest (decumanus) dont une a gardé son revêtement de pierres plates bordé de trottoirs, de seuils de boutiques et de traces d’habitations.
Les statues de Sosno dialoguent aujourd’hui avec ces vestiges antiques
Une vingtaine de sculptures monumentales sont présentes sur le site : dieux et héros (Venus, Poseidon, le Discobole, etc.). Elles sont peintes de couleurs franches rappelant que les sculptures et les bâtiments romains étaient polychromés de couleurs vives.
Les sculptures dialoguent aussi avec les bâtiments qui enserrent le site : le Musée Matisse, le Regina à l’architecture Belle Époque, et avec la nature environnante : les majestueux cyprès pointus et les oliviers.
La scénographie imaginée par Mascha Sosno, épouse et muse de l’artiste, et Bertrand Roussel, directeur des musées d’archéologie de Nice, joue avec les formes : les belles courbes des statues confrontées aux arêtes vives des masses oblitérées par le vide ou le plein, et les couleurs : le rouge des « Venus » contrastant avec la complémentaire verte de la végétation alentours, les argentés (des « Huit manières de filer la soie ») avec le gris blanc des pierres, le jaune d’un beau drapé sur une pelouse d’un vert franc.
A l’intérieur du Musée, plus de cinquante œuvres de toutes dimensions montrent la grande variété des mises en application du concept d’oblitération.
Une belle Tête Carrée dorée et souriante à l’entrée nous salue et ouvre la visite
Dans les vitrines, est présenté un mélange savant parfois presque indistinct de petits chefs d’œuvres romains et de représentations sosnoiennes en bronze, en aluminium, en acier, en céramique…
La belle Antonia, chef d’œuvre du Musée, a été oblitérée par des barres.
Les sculptures de taille plus réduites constituent un rappel des œuvres monumentales habitées conçues par Sosno, comme la Tête Carrée et l’Élysée de Nice, ou le Guetteur de Cagnes.
Toutes les œuvres présentées fonctionnent comme des « pièges à regard », appelant l’imagination à reconstituer l’ensemble, à combler les manques, choses que chaque individu réalise avec son imaginaire particulier.
L’objet oblitéré est ainsi rendu plus désirable que s’il était complet car il le représente symboliquement. L’Art, cosa mentale (Léonard) est surtout dans l’œil du regardeur (Duchamp).
L’exposition est originale, décalée. une visite agréable entre Archéologie et Art contemporain. À ne pas manquer.
Jusqu’au 28 mars