Une visite à Saint-Tropez par un après-midi d’hiver présente bien des charmes. Surtout si l’on se laisse surprendre, juste avant la tombée du jour, par l’instant fugace où la lumière rosit les façades des maisons du port. Un agrément auquel répondent les paysages méditerranéens, traités par les grands peintres des XIXème et XXème siècles, dont les toiles sont présentées en permanence au musée de l’Annonciade.
Le temps a passé, mais on retrouvera pourtant exactement les mêmes lumières, les mêmes ombres, qui s’étirent sur les places de la cité corsaire, le même miroitement de l’eau. Cependant, à nos impressions d’aujourd’hui, se superpose l’écho d’une période révolue, et il faut quand même faire preuve d’imagination pour retrouver l’atmosphère d’alors, en faisant abstraction des yachts prétentieux qui "écrasent" de leur masse les charmantes maisons de pêcheurs.
Les vues du port désert, noyé dans une légère brume, peintes par Albert Marquet, les joueurs de pétanque sur la place des Lices par Camoin, le marché de la place aux Herbes et Café des Arts, alors modeste
établissement, sont autant de scènes de la vie ordinaire qui permettent de mesurer la distance qui nous sépare d’une époque.
Il reste cependant ce chatoiement amoureux du soleil sur tous les objets, dans l’air et sur l’eau, et le traitement de la lumière dans des touches parfois paisibles, parfois nerveuses.
À deux pas du port, l’ancienne chapelle du XVIème convertie en musée en 1922 est l’écrin des peintures de l’avant-garde picturale du début du siècle dernier. Des tableaux pour certains célèbres. Une période heureuse et créatrice, adoptée définitivement aujourd’hui par le grand public, et dont les mouvements portent les noms de pointillisme, nabis et fauve.
Imaginons Signac abordant le port de Saint Tropez dans son yacht l’Olympia, ouvrant son atelier à ses amis Matisse, Derain et Marquet. On retrouvera aussi des tableaux de Vuillard, Seurat, Bonnard, Dufy, Valloton, de Vlamink, de la Fresnaye, Camoin. Et les bronzes de jeunes sportives de Maillol, et quelques tableaux célèbres de Kees van Dongen qui font l’objet en ce moment d’une mise en valeur temporaire (jusqu’au 31 janvier).
Leurs paysages méditerranéens objets de délicates études éclairent les salles aux côtés d’autres peintures d’artistes, moins connus peut-être, mais d’une envergure identique : Jean Puy, Henri Person, Ker-Xavier Roussel, Gustave Jaulmes, Henri Lebasque, Alfred Lombard, André Roberty, André Lhote, Maurice DenisThéodore Van Rysselberghe, Othon Friesz.