Pendant près d’un demi-siècle, tandis que Cannes connaissait un essor remarquable en tant que villégiature balnéaire ouverte sur le monde, l’île Sainte-Marguerite fut la clé de voûte d’un système de répression lié à la conquête française de l’Algérie. Entre 1841 et 1884, plus de trois mille hommes, femmes et enfants furent exilés et emprisonnés au Fort Royal par le gouvernement. Deux cent soixante-quatorze d’entre eux ne retrouvèrent jamais la liberté. Ils reposent aujourd’hui dans des tombes anonymes, d’une émouvante sobriété, dans un sous-bois ombragé de la côte nord de l’île. L’exposition Prisonniers en terre d’exil, fruit de quatre années de recherches, retrace leur histoire.
Un éclairage inédit sur l’histoire franco-algérienne
Conçue pour le grand public, l’exposition Prisonniers en terre d’exil apporte un éclairage inédit sur l’histoire franco-algérienne, à travers un cas méconnu et longtemps occulté de « microhistoire » : la détention au Fort Royal de plusieurs milliers de prisonniers maghrébins. Elle permet ainsi d’appréhender le cimetière musulman de Sainte-Marguerite dans son contexte global (passé et présent), en tant que site historique, patrimonial, mémoriel et symbolique.
Étayée par un contenu scientifique rigoureusement documenté, l’exposition a été conçue avec un soin particulier sur la qualité du propos, de l’iconographie, des objets et des documents exposés. Leur pertinence a été validée par un comité scientifique formé de trois spécialistes (Thierry Fabre, Sylvie Thénault et Anissa Bouayed). La sélection des œuvres et des documents présentés au public permettra d’évoquer divers aspects de la vie quotidienne des prisonniers.
Les cinq salles thématiques de l’exposition (sur une superficie totale de 140 m²) sont également ponctuées par plusieurs installations artistiques et œuvres contemporaines, créées dans le cadre de deux résidences d’artistes par Jacques Ferrandez (illustrateur) et Franck Pourcel (photographe-auteur), tous deux spécialistes de l’Algérie et des cultures méditerranéennes.
Enfin, le catalogue de l’exposition a été rédigé en collaboration avec quinze chercheurs et universitaires de premier plan. Cet ouvrage de référence intéresse à la fois les spécialistes et les lecteurs néophytes.
Cette action forte permettra de rendre au lieu sa dignité et d’y favoriser le recueillement, la contemplation et la compréhension des faits historiques.
Rénovation du cimetière musulman datant du XIXe siècle de l’île Sainte-Marguerite
C’est en 2019 que David Lisnard lance le projet d’étude et de mise en valeur du cimetière musulman, en associant l’Office National des Forêts, gestionnaire du site. Guidé par une volonté de reconnaissance historique, ce projet vise à sensibiliser le public à l’importance patrimoniale et symbolique de ce cimetière unique en France. Le site et son contexte ont fait l’objet d’une étude scientifique rigoureuse, menée par l’historienne Anissa Bouayed, suivie d’un colloque universitaire en 2021, organisé par la Mairie de Cannes. L’exposition Prisonniers en terre d’exil présente les résultats de ces travaux.
En tant que lieu de mémoire d’intérêt national, le cimetière mérite à présent d’être restauré.
Le projet municipal prévoit d’aménager le site, en respectant son écrin naturel protégé.
