Olivier Calvel, comment avez-vous travaillé pour cette exposition à la Villa Caméline ?
Le point de départ était de travailler sur la villa et sur les traces laissées sur ce patrimoine.
Il y a trois sortes de traces : les traces laissées par les artistes depuis 10 ans, les traces historiques de la villa elle-même et les traces numériques, que l’on fabrique nous-mêmes.
Et mes photographies, c’est mon regard à un moment donné sur le travail des autres.
Cette exposition est un travail sur le lieu. Elle n’aurait bien sûr pas pu être réalisée ailleurs. Ce sont des photos du lieu, exposées dans le lieu. Il s’agit de tirages uniques, pour garder cet esprit d’un regard à un instant T.
Décrivez-nous vos photographies telles que nous les découvrons en ce moment…
Il y a soit des photos à l’échelle 1 et qui sont à la place de la trace, c’est-à-dire que si on enlève la photo, il y a le détail photographié juste derrière. Il y a aussi des traces laissées par des artistes, mais mises en exergue, comme zoomées. Il y a même des traces d’une exposition future, qui clôturera la saison à la Villa Caméline, celle d’Anthony Gripon. Alors celles-là, je n’y ai pas touché !
Il y a enfin des photos complètement décalées et placées à un endroit différent de la trace d’origine, avec des changements de format. L’idée est d’inciter les visiteurs à regarder la villa, puisque c’est elle le sujet principal. Pour le lustre par exemple, la photo est exposée au rez-de-chaussée, alors que le lustre est à l’étage. Il y a un décalage entre la photographie et la trace photographiée.
Y a-t-il un lien avec le titre de l’exposition « Ecart », comme un écart entre la trace et la photographie ?
« Ecart », le titre de l’exposition, est en réalité le mot « trace » à l’envers. Nous avons choisi ce titre, car « trace », c’était trop évident !
Alors finalement, le sujet principal de votre exposition est la Villa Caméline elle-même ?
Oui, car l’objectif est que chacun puisse se faire une photo mentale des détails de la villa.
La première fois que je suis venu à la villa pour les premières prises de vue, c’était presque angoissant, car je n’osais pas faire de photos tellement la villa se suffit à elle-même. Mon travail est simplement une contribution à la mise en valeur du lieu.
Nous avons programmé volontairement cette exposition à la 11e année d’existence de la villa en tant que lieu artistique, pour avoir les traces réellement sur les 10 ans.
Comment avez-vous eu l’idée de cette exposition ?
En fait, j’avais déjà effectué ce travail de photographies de lieu artistique dans le lieu lui-même pour l’atelier de Marc Piano à Vallauris.
Et puis, de façon plus personnelle, il se trouve que j’ai dans mon bureau de la Malmaison, une photographie de la Malmaison. C’est donc toujours la même logique.
Vous nous avez parlé tout à l’heure de traces numériques. Que voulez-vous dire exactement ?
J’ai réalisé un flashcode qui renvoie sur le site de la villa Caméline. Il est composé de plus de 300 petits codes QR, qui représentent tous les artistes qui sont passés par la villa : artistes plasticiens, compagnies de théâtre, musiciens… C’est en fait la mémoire de la villa sur 10 ans en une trace numérique.
Nous avons terminé notre visite par la salle de bains, où se trouve une incroyable mise en abîme : un autoportrait, presque totalement dissimulé derrière la buée et les gouttes créées sur un faux miroir, au-dessus du lavabo.
Olivier Calvel a réalisé une œuvre généreuse pour la villa, car, en la prenant comme objet d’exposition, il s’efface derrière elle et fait preuve d’une grande humilité. Certaines photographies se confondent complètement avec la villa et il faut avoir un œil avisé pour les repérer.
C’est comme un jeu de cache-cache où il faut retrouver la trace photographiée et la photographie qui lui correspond.
Cette exposition a donc pour vocation de développer le sens de l’observation et, en cela, intéressera sans doute aussi les plus jeunes.