On croit connaître Miró, cet artiste s’intéressant à tout, y compris à la sculpture.
Mais l’œuvre graphique, l’estampe et la peinture constituent la partie la plus connue et la plus passionnante de son travail.
Pour lui, Adrien Maeght fonde une imprimerie dotée d’une presse géante dans les années 60, ce qui lui permettra d’agrandir les formats de ses lithographies de manière inédite. Elles prennent alors des dimensions de peinture qui "ont la beauté et la dignité d’un beau tableau".
L’exposition que la Fondation lui consacre actuellement montre bien la variété du travail de Miró et les nombreux défis qu’il s’est lancés : plus de deux cents productions originales (!) permettent de suivre l’évolution, l’importance et la richesse de cette œuvre. Maquettes, affiches, gravures, gouaches, planches de tirage, bons à tirer et ouvrages de bibliophilie laissent imaginer l’artiste dans ses recherches, ses tâtonnements.
Une politique novatrice d’édition
Sa quête va "au-delà de la peinture". Le compliment lui avait été adressé par l’écrivain Raymond Roussel en...1925 ! Miró, dans un français qu’il maîtrisait parfaitement, a écrit que "le champ des possibilités qu’offre la
gravure est aussi large que la peinture".
La gravure existe depuis la préhistoire avec des incisions dans des roches ou de l’os. Elle progresse de Dürer à Rembrandt, de Goya à Gustave Doré. La lithogravure, nouveau moyen de vulgarisation de l’art, apparaît au XIXème siècle. Les affiches de Toulouse Lautrec sont d’une indéniable valeur plastique. Aimé Maeght, qui ne conçoit pas sa galerie sans une politique novatrice d’édition de lithographie et d’affiches, compte alors sur Miró qui s’attelle avec enthousiasme à maîtriser les techniques de cet art, à en multiplier les possibilités, affirmant vouloir "bâtir un monument à l’œuvre graphique du XXème siècle". Il utilise des plaques perforées à l’acide, imprimées sur des papiers préalablement préparés à d’autres fonctions. Il incorpore des images photographiques, des empreintes d’objets...
Tristan Tzara, André Breton, Paul Eluard, René Char, Prévert : c’est grâce à son amitié avec les poètes qu’il se lancera dans l’aventure de l’édition. L’exposition fait état dans ses vitrines des projections de son intelligence artistique à travers de puissants livres de bibliophilie.
Miró bouscule les conventions avec un génie qui nous éclaire au travers d’une œuvre joyeuse, mouvante, qui n’a pas pris une ride.
Pour Isabelle Maeght, représentante passionnée de cette famille étonnante, "il a su exploiter d’infinies possibilités techniques de manière jubilatoire". Les voies de recherches qu’il a ouvertes donnent lieu à de nouvelles interprétations. Passionnant.