Avec un excellent accrochage dû à Hannah Baudet, l’exposition est surtout axée sur le travail des dernières années de la vie de l’artiste lors de son retour en France et particulièrement dans le Sud, à Seillans, où Max Ernst s’installe en 1964, avec sa compagne la peintre Dorothea Tanning.
Ne cessant de créer, ses oeuvres débordaient de son atelier jusque dans son jardin envahi de sculptures (certaines sont exposées à La Malmaison, ainsi que d’autres créées aux Etats-Unis où il s’était réfugié durant la Grande Guerre).
Dès l’enfance, Max Ernst s’est frotté à la peinture. Initié par son père peintre dilettante, il a continué, puisant dans l’enfance la candeur de son dessin, tant pour la technique que pour le rythme. Aussi ses dessins font-ils preuve d’une jolie maladresse. Maculés de touches de couleurs, d’entrelacs de lignes à la lisière de la figuration, ses dessins sont splendides et le trait du peintre possède un magnifique aspect audacieux. Cependant, la couleur finit par prendre le dessus. Tout est jaune, vert et orange. Acidulé. Durant cette période de création, il aime particulièrement les couleurs ocre et brune. Quoique frottés au jaune solaire, ses dessins restent cependant énigmatiques et mystérieux, peut-être empreints de symboles.
Max Ernst fait preuve d’une modernité permanente dans son cheminement dans l’abstraction. Ses tableaux sont des réceptacles d’une multitude de sensations retranscrites en une variété inimaginable des formes, ellipses, courbes, cercles extravagants. Sans style précis avec des images assez instinctives, plus émotionnelles que réfléchies, Max Ernst n’est jamais là où on l’attend.
Sa peinture serait comme une illusion avec des images non explicites. Ainsi « La Fête à Seillans » au dessin dense qui porte une part de promesse secrète entre l’espoir et l’utopie, comme dans toute fête villageoise grouillante de monde. Les visages de la foule sont accumulés, mêlés à des oiseaux ou autres.
Il faut s’arrêter longtemps sur cette toile pour tenter de tout découvrir.
De même que dans « La dernière forêt », très grand tableau - prêté également par le Centre Pompidou (photo de Une) - où s’exprime toute l’angoisse que Max Ernst ressentit enfant, lors de son premier contact avec une forêt au vu de l’austérité des arbres chargés de l’imaginaire des contes enfantins.
Donnant un mouvement avant-gardiste à son talent, le peintre surréaliste poursuivait sa quête poétique avec une oeuvre souvent ludique et joyeuse. Les titres le prouvent. Pour lui, la poésie était une route vers la liberté. Elle lance des ponts de l’idée à l’image, d’un sens à l’autre. Le dessin s’évade, l’abstraction musarde, les lignes rêvent... De la part de Max Ernst, ce n’était jamais de l’espièglerie farceuse, mais plutôt un instinct propre qui le faisait peindre à sa manière avec une activité multiple. Il passait de grandes toiles ou immenses sculptures à de minuscules peintures de la taille de timbres poste.
L’exposition souligne l’importance de la relation entre Max Ernst et le lithographe Pierre Chave, deux univers qui n’étaient pas destinés à se croiser, mais qui ont fait un long bout de chemin ensemble. La majorité des oeuvres exposées à la Malmaison ont été prêtées par ce galeriste de Vence, prouvant le lien d’amitié qui s’était instauré entre eux.
Caroline Boudet-Lefort