Rendre justice à l’esprit de cette collection, dont la Fondation Marguerite et Aimé Maeght offre le spectacle jusqu’au 16 juin, est une tentative ardue.
Tout au plus, évoquons ce mélange de bonheur et de douleur que ces "fouilles" parmi des centaines de chefs d’œuvre ont soulevé chez Henri-François Debailleux, commissaire de l’expo pour aboutir à une réunion d’œuvres de 80 artistes et tenter d’illustrer l’esprit d’un lieu, d’une famille unie autour de l’amour de l’art.
Ses premières recherches, il les fit dans les archives numériques - plus de mille images à trier - et non dans le "bunker" de la
Fondation. S’il lui revenait la tâche d’agencer une exposition qui ne ressemble pas "à une collection de timbres", c’est que ce travail requérait à la fois de l’intuition, de l’érudition, et un certain regard.
Comme un jeu de piste
Un regard que le visiteur devra apprécier par lui-même, quand il cherchera les motifs qui ont présidé à une mise en scène jamais hasardeuse. Même si, aux yeux du public, elle peut paraître énigmatique.
Henri-François Debailleux n’a pas voulu proposer un parcours didactique et chronologique.
L’ensemble ressemble à une sorte de jeu de piste. Le fil rouge est les liens d’amitié qui ont uni les artistes et la famille Maeght à travers les dons qui lui ont été faits. Une sélection d’œuvres réalisée de manière à ce qu’elle ne se fassent pas la guerre entre-elles, se concilient réciproquement l’espace qui leur est dévolu, jusqu’à se valoriser et se compléter : de l’ordre du casse tête ! Systèmes de correspondances visuelles, dialogues constructifs même dans la contradiction, la peinture et la sculpture doivent s’accorder, sachant qu’une sculpture est ce "dans quoi on se cogne quand on veut regarder un tableau". L’harmonie repose sur des jeux de "concaténation" : un procédé qui consiste à mettre bout à bout des arguments ou idées, en faisant en sorte que l’idée finale d’une proposition se retrouve au début de la suivante. Les grands tableaux de Soulages, Tapies et Hantaï se côtoient sans se tuer dans un spectacle inédit.
Folon fait un clin d’œil amical à Léger.
Dès l’entrée, un grand format de Lee Bae fait face à une série de fusains de Raoul Ubac.
Henri-François avait été cette année commissaire de l’exposition de l’artiste coréen. Et son tableau "Issu du feu" - une mosaïque de charbons de bois sur toile accroché en vis à vis d’une série de fusains de Raoul Ubac - opère un dialogue à trente ans de distance. La figuration narrative a sa place en les personnes d’Arroyo, Adami, Monory, Hervé Télémaque. Le support surface est représenté par Viallat.
L’absence d’œuvres de Giacometti s’explique par le fait qu’elles sont actuellement au Japon, mais il est représenté par une peinture de Gasiorowski, comme une courtoisie. Œuvres rares, jamais vues, artistes inconnus, le visiteur sera surpris de la diversité des propositions.
Annick Chevalier