Arles, la clef du royaume
Jamais, de son propre aveu, Louis Féraud n’avait songé à être couturier.
La lumière, les couleurs de sa Camargue natale — il naît en 1920, à Gagnières, petit village proche d’Arles — son amour pour les femmes, de celles qui ont bercé et adulé son enfance aux belles arlésiennes en velours et dentelles, auront décidé pour lui.
Poète, fantasque, rêveur, éternel gamin, il suit d’abord toutes les pistes que lui dictent ses idées folles. L’initiatrice de son destin de créateur, c’est « Zizi », qu’il rencontre et épouse en 1944. Avec elle, le voilà fixé. Cette femme, écrit-il est son « école de couture » ; en elle, il reconnaît d’instinct la partenaire idéale et c’est ensemble qu’ils ouvrent à Cannes, rue du commandant André, la première vitrine de leurs créations.
Cannes, la petite robe blanche
Portée par le tourbillon de bonheur et d’émancipation qui baigne la côte d’azur en ces folles années 50, la petite boutique cannoise connaît un succès immédiat. Sa confection gaie, naïve, ensoleillée, parle la langue d’Arles aux insouciants de la Croisette et de Saint Tropez, aux artistes qu’accueille le tout nouveau festival de cinéma. Bardot et Vadim y prennent leurs habitudes.
Pour Brigitte, Féraud dessine et fait coudre la naïve et simple petite robe blanche qui fait bientôt fureur. L’explosion du succès surprend jusqu’au créateur. L’artisanat cannois ne suffit plus pour répondre à la demande, il faut trouver plus grand, viser plus haut.
Paris, le grand atelier
Boutique, création, atelier s’installent en 55 au 88 faubourg Saint honoré, 66 m2 au sol seulement, mais vue plongeante sur la cour de l’Elysée.
Le coup de soleil de la couture Féraud séduit Paris. La boutique ne désemplit pas, habille les vedettes du cinéma, Liz Taylor, Richard Burton, Ingrid Bergman, Kim Novak, Mireille Darc et tant d’autres. Plus de vingt films sont griffés Féraud. Il présente alors ses deux collections annuelles. Très vite, elles lui ouvrent la scène et la reconnaissance internationale.
Avec ce succès l’équipe s’étoffe du styliste Per Spook d’abord, puis de Jean Louis Scherrer, de Caroline Field, d’Helga Djornsen, et de tant d’autres talents qui rejoindront l’aventure toujours sous la houlette de Zizi et Louis.
En 78 un premier « dé d’or », récompense prestigieuse, confirme le succès de cette nouvelle image de la haute couture, dilettante et chaleureuse, loin de l’image sérieuse associée jusque-là aux grands couturiers.
La seconde récompense en 84, remise par Pierre-Yves Guillem sous le patronage de Bernadette Chirac, attribuée comme la première à la collection printemps/été, vient consacrer définitivement la Maison.
Lorsque la maladie le contraint en 1995 à quitter la création, il confie l’aiguille de la grande maison à Kiki, sa fille unique grâce à qui le public pourra découvrir tous ces trésors préservés.
Le peintre couturier
Mondrian, Klimt, Miro, Duffy, Delaunay…ont inspiré la main du peintre Louis Féraud. La nature provençale, le bleu de son ciel, les nuages blancs, « les roses, bleus, jaunes, gris, mauves et les essences rares comme le pistil des fleurs » glissent de la nature à sa palette, puis à la toile, de la toile au tissu, au foulard, au vêtement dont le couturier va bientôt habiller dans son atelier ces longues femmes encore nues sur la toile, qui semblent attendre, les yeux mi-clos, la parure qui leur est promise.
Le dé d’or
Institué en 1976 par Pierre-Yves GUILLEN, patronné à sa naissance par madame Bernadette Chirac, le « dé d’or » est une distinction prestigieuse destinée à rendre hommage à la créativité de la haute couture française et à renforcer son prestige international. Il récompense deux fois par an, entre 1976 et 1990, celle des 23 collections de haute couture reconnue la plus belle de l’année par un jury international.
Louis Féraud reçoit par deux fois, en 1978 puis en 1984, cette remarquable distinction.
Toutes les infos sur le site du Centre d’Art La Falaise