Tatjana Sonjov est habitée par ces émotions là et nous les communique par son art. Elle peint ou isole dans ses photographies ces vieux murs imprégnés de poussière, de signes, rappelant que des gens ont vécu là. Ces murs ont été témoins de leur amour, de leurs souffrances…
Ainsi une infinité d’histoires humaines se racontent
Les radiateurs l’intéressent particulièrement. Fixés aux cloisons, ils ont contraint les peintres à travailler autour, révélant les couches de papiers peints ou de peintures précédentes accumulées. Les strates sont encore là, discernables, preuves de choix volontaires de chaque occupant, comme on aurait pu choisir des vêtements.
Ces lieux de relégation, de confinement, d’enfermement (hospices, prisons, hôpitaux, etc.) mis à la marge du collectif et ses récits, l’attirent. Dans ces lieux abandonnés, souvent juste avant leur démolition, sont encore visibles les traces laissées par l’histoire souvent tragique de ces vies dévastées dont certains évoquent son histoire familiale (de camps de réfugiés).
Face à l’entrée de la galerie, la photographie à l’échelle réelle d’un mur portant la trace d’un lavabo (accompagné de son support tordu encore présent) est particulière émouvante, d’autant qu’on apprend qu’elle est issue d’un sanatorium.
Sur un mur étroit qui renvoie à la taille réduite d’une chambre individuelle, la trace du miroir qui devait être au-dessus du lavabo est bien présente. On imagine que se sont regardés là de nombreux patients qui ont scruté leur visage pour juger de l’avancée de leur maladie, pour y contempler leur tristesse ou leur détresse.
Ce mur porte également des cicatrices, on y discerne sa matière, sa couleur, les couches de peinture successives.
Les lignes droites des baguettes recouvrant les fils électriques, les formes rondes des supports d’ampoules, le vieil interrupteur en forme de sein avec téton, les taches sombres comme des maladies de peau transforment ce mur en peinture abstraite.
Tatjana est une peintre, celle de l’effacement, du recouvrement, des stigmates, de la disparition…
Elle nous donne à voir ces espaces intimes, ces strates de vies, où c’est toujours l’histoire individuelle qui perdure…
Dans d’autres photographies d’empreintes de radiateurs, on voit également l’impact de la chaleur sur la peinture.
Pas la violence des brûlés d’Yves Klein, mais une chaleur plus douce et persistante qui a cuit lentement la peinture pendant des décennies. Un marron doré aux fines craquelures semble s’imposer sur les couleurs alentours. Le destin de la peinture n’est-il de se craqueler ?
En attendant de voir une exposition plus conséquente de ses œuvres (du 14 au 21 février), on peut découvrir dans la galerie plusieurs autres recherches de « métaphotos ».
L’exposition en cours présente une série d’œuvres qui s’attaquent à un au delà de la photographie ainsi qu’aux frontières poreuses établies avec les autres arts.
À voir les dessins précieux de figurants anonymes récoltés dans les tableaux de maîtres de Jean-Philippe Roubaud, les digigrammes d’Olivier Calvel qui retravaille à partir des traces de doigts sur les écrans des smartphones, les cyanotypes de corps dansants de Yannick Cosso… et bien d’autres œuvres à découvrir.
Créée en 2017 par Bernard Coets, la galerie se présente comme un laboratoire de création où découvrir l’art contemporain sous toutes ses formes : peinture, dessin, photographie, sculpture, vidéo, art numérique. Un lieu à connaître.
Exposition de groupe
MÉTAPHOTOGRAPHIE
Avec les artistes Olivier Calvel (France), Yannick Cosso (France), Emmanuel Guillaud (France), Jeremy John Kaplan (États-Unis), Tomonari Kawano (Japon), Gerben Mulder (Pays-Bas), Jean-Philippe Roubaud (France), Steven Rudin (États-Unis), Tatjana Sonjov (France), Alberto Storari (Italie).