Intitulé « Le théâtre des objets de Daniel Spoerri », ce projet étonnant rend compte de la manière dont l’artiste se frotte au hasard, à l’anecdote et au dérisoire, avec comme point de départ : l’émotion. Cette exposition s’apparente à une déambulation aussi surprenante et fascinante que celle d’une fête foraine avec ses pièges et attrapes, ses cabinets de curiosités et ses banquets.
Le parcours souligne la volonté de l’artiste de créer une nouvelle forme d’art, un projet global, participatif, sentimental et populaire réalisé en collaboration avec le public.
Avec près de trois cents œuvres et documents, l’exposition offre un parcours labyrinthique dans l’art de l’appropriation depuis les premiers tableaux-pièges jusqu’à la création de musées insolites, en passant par l’art de la table et de la cuisine.
Si les tableaux-pièges de Daniel Spoerri sont devenus populaires, l’exposition, esquivant la rétrospective, dévoilera un éclairage novateur du travail de l’artiste. Elle présentera des œuvres et archives historiques majeures sous un angle original ainsi que des travaux moins connus tout aussi précurseurs et passionnants.
Le projet rassemble, sur 1200m2, des prêts exceptionnels des grandes institutions publiques françaises telles que : le Centre Pompidou-Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle qui fait l’objet d’une convention de partenariat pluriannuelle avec la Ville de Nice (Musée Matisse et MAMAC), récemment signée par Christian Estrosi, Maire de Nice, et Serge Lasvignes, Président du Centre Pompidou ; le Centre National des Arts Plastiques ; le Musée d’Art Moderne de Paris ; le MAC/VAL-Musée d’art contemporain du Val-de-Marne). Se joignent également des prêts majeurs consentis par la Bibliothèque nationale suisse où sont conservées les archives de l’artiste ainsi que des galeries, des fondations et des collectionneurs de France et d’Europe.
Ainsi, l’œuvre monumentale La Réplique de la Chambre no 13 de l’Hôtel Carcassonne (1998) sera présentée pour la première fois en France et plusieurs banquets imaginés par Spoerri à partir de 1963 seront organisés en collaboration avec l’artiste : une belle manière de partager la vitalité de cette œuvre facétieuse !
-Un parcours en trois étapes
PIÈGES, FARCES ET ATTRAPES
Un ensemble majeur d’œuvres historiques offre un parcours surréaliste sur le geste de pétrification et d’assemblage d’objets. C’est avec les Tableaux-Pièges initiés en 1960 que Daniel Spoerri rejoint les Nouveaux Réalistes. Les « Foires aux puces » capturent à la verticale des étalages d’objets délaissés, révélant leur beauté poétique. Peu à peu, Spoerri se fait marieur d’objets, donne à voir des « Pièges à mots
», s’amuse du dialogue fécond entre l’emprunt d’une image existante et l’ajout d’objets inquisiteurs. Les nombreuses activités créatrices de
l’artiste seront ici abordées par le biais de photographies, d’affiches et de revues.
Le Parc de bébé, 1961 - « Faux tableau-piège » - Collection Peruz, Milan - © Daniel Spoerri/ ADAGP, Paris, 2021
RESTAURANTS, BANQUETS ET TRIPES
L’amour de Spoerri pour la cuisine, l’échange et la convivialité est retracé avec ses Tableaux-Pièges et l’histoire des repas, restaurants et événements qu’il a initiés à travers un large éventail de documents d’archives (photographies, vidéos, menus). Dîners des Homonymes, menus Palindrome ou repas réalisés avec un seul ingrédient (œufs ou abats...), suscitent chez les convives, surprise, ravissement ou dégoût. L’exposition propose notamment une immersion dans le premier restaurant éphémère de l’artiste à la galerie J à Paris en 1963.
L’ambiance et les événements du Restaurant Spoerri ouvert à Düsseldorf en 1968, accolé à l’Eat Art Gallery dès 1970, constituent le
cœur convivial du parcours où sont également évoqués ses banquets les plus célèbres à l’image de l’Ultima Cena à Milan en 1970.
MUSÉES, MERVEILLES ET MYSTIFICATIONS
Daniel Spoerri entretient un rapport particulier à la collection. Dès les années 1960, il réalise des reconstitutions archéologiques de lieux relatifs à sa vie et à son œuvre puis met en scène la puissance immanente des objets dérisoires, à l’image de ses « Musées sentimentaux » ou du « Cabinet de Mama W ». L’art devient une médecine, traitant des pièges et des illusions comme en témoignent la « Pharmacie bretonne », collection de cent-dix-sept eaux provenant de sources sacrées bretonnes et la centaine de planches anatomiques, de la série « Médecine
opératoire » initiée en 1993, rehaussées d’objets tantôt incisifs, tantôt poétiques. Ensemble,ces surprenants cabinets de curiosités révèlent l’Humanité dans toute sa précarité et préciosité.
Daniel Spoerri
Né le 27 mars 1930 en Roumanie, refugié en Suisse, l’artiste se consacre à la danse, au théâtre et à la poésie concrète, avant d’initier, à partir de 1959, une démarche plastique. Alors qu’il collecte des ferrailles pour son ami Jean Tinguely à Paris, il a l’idée de coller telles quelles sur un support des situations d’objets qu’il dresse à la verticale, fixant dans la durée le dispositif d’un instant dû au hasard.
C’est la naissance des Tableaux-Pièges qui immortalisent des étalages de marchés aux puces, puis des restes de repas. Dès 1963, l’artiste met en place des restaurants éphémères, ouvre son propre Restaurant à Düsseldorf et organise des banquets festifs, faisant d’un moment de partage, une œuvre d’art collective déstabilisante. Son amour
pour les objets les plus dérisoires le conduit à la création de toutes sortes de collections et de musées insolites.
Daniel Spoerri est un itinérant : il ne cesse de se déplacer à travers l’Europe. Il partage aujourd’hui son temps entre son jardin en Toscane ouvert dans les années 1990, sa fondation/maison d’exposition près de Vienne inaugurée en 2009 et son appartement dans la capitale autrichienne.
Son travail est reconnu sur la scène internationale. Il a été célébré en 1972 par le CNAP à Paris et le Stedelijk Museum à Amsterdam. En 1990, le Centre Pompidou lui a consacré une rétrospective avec une itinérance à Antibes, Munich, Vienne et Genève. Le musée Tinguely à Bâle en 2001, le Jeu de Paume à Paris en 2002, le Centre Pecci à Prato en 2007 et les Abattoirs de Toulouse en 2017 ont réalisé des expositions et événements d’envergure. Présent dans les collections du MAMAC, son œuvre fait l’objet pour la première fois, d’une grande exposition à Nice.