Quel est la raison intime de ce déchaînement de violence ? A priori une succession de 68 photographies d’Ahlam Shibli relatant la place centrale qu’occupent, au sein de l’imaginaire palestinien, les morts de la seconde Intifada. Outre le questionnement que peut susciter un tel travail sur le souvenir, sur l’iconographie de ces disparus affichés sur les murs des cafés qu’ils fréquentaient, sur les murs des salons de leurs familles, sur la vénération qu’elles leur portent, peut-on pour autant y voir une "apologie au terrorisme" ? Oui, selon la Ligue de Défense Juive (LDJ), une association extrémiste interdite en Israël et aux Etats-Unis, alors qu’en France, elle bénéficie de la protection du Ministère de l’Intérieur. Une association qui n’hésite pas à molester les spectateurs d’une pièce palestinienne sur le trottoir du boulevard Voltaire (Paris XIème), le mercredi 22 avril 2009, à organiser une action commando au cœur du Musée d’art moderne de la ville de Paris en 2010, pour saccager l’exposition du photographe allemand Kai Wiedenhöfer dédiée aux conditions de vie dans la bande de Gaza…Autant dire que ce genre de dialogue musclé ne peut qu’engendrer incompréhension et frustration lorsque la plupart de ces agresseurs écopent tout au plus d’une peine de quelques mois avec sursis. Loin de clamer le "tout répressif", demandez-vous ce qu’il en aurait été si une Ligue de Défense Palestinienne avait attaqué physiquement des spectateurs d’une pièce israélienne sur un grand boulevard parisien ou organiser une action commando au sein du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme ! Vous auriez eu tous les partis de France et de Navarre en train de crier à l’antisémitisme, debout comme un seul homme derrière la politique expansionniste et meurtrière d’Israël vis-à-vis des Territoires occupés.
Israël, c’est de la nitroglycérine à manier avec précaution
Pourquoi l’artiste palestinienne Ahlam Shibli, qui ne se pose pas en militante ni ne juge et dénonce, ne bénéficierait-elle pas d’une telle levée de boucliers de la part de nos intellectuels endormis (tiens ! on ne l’entend plus notre BHL des grandes causes) ? De quel droit Aurélie Filipetti, plutôt "poule mouillée" pour le coup, demande à Marta Gili, directrice du Jeu de Paume de « clarifier et mieux expliquer le propos de l’artiste, et d’autre part de distinguer la proposition de l’artiste de ce qu’exprime l’institution » ? Au regard de l’exposition, qui ne manque pas de cartels explicatifs, c’est à un travail de mémoire auquel le visiteur est confronté. Un travail de mémoire du côté de l’occupé et non de l’occupant. Est-ce trop pour ces associations extrémistes ? Un acte de résistance intolérable de la part d’une artiste ô combien "dangereuse" et palestinienne de surcroît ? A croire qu’Israël est exempt de toute critique (ce pays se moque bien des résolutions de l’ONU, non ?) et qu’il est préférable de se taire si l’on ne veut pas subir les foudres de son gouvernement et du Conseil Représentatif des Institutions Juives (CRIF). Rien d’étonnant à voir nos élus ménager la chèvre et le chou. Israël, c’est de la nitroglycérine à manier avec précaution. On aimerait un peu plus de fermeté de la part de nos ayatollahs de la culture plutôt lents à la détente pour défendre la démarche artistique du Jeu de paume, sa directrice et ses équipes harcelées et menacées de mort. Dois-je en déduire que la liberté d’expression n’a plus toute sa place dans un musée lorsqu’il s’agit des Territoires Occupés ? Cessons de nous plier à ce chantage et soyons ferme devant l’intolérable. TOUT NOTRE SOUTIEN À AHLAM SHIBLI.