Comme l’écrivait Pierre Matisse à Alberto Giacometti en 1958, "si l’exposition doit être une catastrophe, alors il faut qu’elle soit réussie en tant que catastrophe". L’histoire ne dit pas quelles catastrophes ont pu se produire dans ce domaine, si ce n’est que le contexte économique de l’époque n’était pas vraiment favorable aux artistes...
Il ouvre les yeux à l’Amérique
Pierre Matisse a donné leur chance à des inconnus comme Kay Sage. Il a cultivé de vraies amitiés avec tous. Fait connaître aux Américains un Français d’origine prussienne, Balthus, et le Catalan Miró. Il a défendu
André Masson et Giorgio De Chirico. Il impose le marché de l’art primitif africain et océanien. Il expose Jean Dubuffet. Il montre les mobiles d’Alexander Calder, tentant de faire partager son intérêt pour l’art abstrait. Il fait aussi la promotion de son père même si, bien sûr, celui-ci était déjà reconnu par la critique dans le monde entier. Henri Matisse fut même déclaré "trésor national" en plein cœur de la guerre.
En visitant cette collection, on se rend compte que nous devons beaucoup au
petit garçon portant un sweat rayé qu’Henri Matisse a peint en trois coups de pinceaux spirituels. Un tout petit tableau qui nous accueille à l’entrée de l’exposition.
Devenu grand, Pierre Matisse a soutenu Miró de toute son âme en lui envoyant de l’argent par l’entremise de Marguerite (fille illégitime de Henri) alors que le peintre était coupé de tout moyen de subsistance par la guerre. Pour ce geste, le galeriste fut arrêté et jeté en prison, sa sœur torturée par la
Gestapo. Marguerite survécut, devint peintre, critique d’art, et spécialiste de son père.
Comme quoi il est des époques où s’engager pour la protection des artistes ne va pas de soi…
Et l’histoire de l’art, aussi, a ses héros.