L’expression “bijou contemporain” décrit des pratiques encore jeunes, relativement à la très longue histoire du bijou. Pourtant, ces pratiques sont d’une riche diversité : elles ré-inventent notre rapport au bijou, et posent sans cesse la question de ce qui, au juste, constitue un ornement, ou même une activité de bijoutier.
Pour sa 20ème exposition estivale, la mairie de Cagnes-sur-Mer, sous l’égide de Louis Nègre et de Roland Constant, invite cinq créateurs contemporains et un collectif à investir l’espace Solidor, et à donner leur vision des pratiques de demain : exposition à tiroir, donc, qui dresse un panorama des doutes et des désirs de ce champ en pleine ébullition.
Sur une proposition de Benjamin Lignel, cette exposition anniversaire interroge le métier de “Commissaire d’exposition” dans le domaine du bijou contemporain. Lui-même talentueux designer, écrivain, historien de l’art et commissaire de plusieurs expositions, il est également l’un des fondateurs de la garantie, association qui promeut le bijou dans sa riche diversité à travers le monde. A Cagnes, il a mobilisé 8 artistes – trois sont en collectif - qui proposent leurs “projets d’exposition”. Il y a donc
6 propositions à découvrir à la Galerie. Chaque “artiste-commissaire” choisit ses artistes, son projet de mise en scène, d’occupation de l’espace et du matériel d’exposition. Huit commissaires et 40 artistes internationaux sont ici réunis dans le Haut-de Cagnes ! Des contraintes fortes d’où naissent des propos variés sur le bijou. Les commissaires en herbe ont dû repousser les murs ou faire preuve d’ingéniosité pour vous raconter leur histoire du bijou à travers une mise en scène originale.
"Nous ne pouvions rêver plus bel hommage vivant pour célébrer le développement de la Galerie Solidor pendant vingt ans. Elle est née au départ d’une idée impromptue, mais, grâce à la persévérance de ses acteurs et à la qualité du travail accompli, elle s’est ancrée dans les racines de Cagnes qui est, grâce au bijou contemporain,
rapidement devenue “Ville et métiers d’art”. La galerie, la crypte et la “résidence d’artistes” en font aujourd’hui un lieu de rencontre incontournable du bijou contemporain." précisent Roland Constant Conseiller Départemental Adjoint délégué à la Culture, au Patrimoine Historique et à l’Europe et Louis Nègre Maire de Cagnes-sur-Mer Sénateur des Alpes-Maritimes.
Commissaire d’exposition mandaté : Benjamin Lignel
Commissaire d’exposition invité.e.s : Ann-Kathrin Hartel DE Susanne Schwarz DE Nadja Soloviev DE | Emmanuel Lacoste FR | Anneleen Swillen BE | Kristin d’Agostino USA | Lilian Mattuschka IT | Larissa Cluzet FR
Note d’intention du Commissaire d’exposition mandaté : Benjamin Ligne
" Le commissariat d’exposition est une activité qui ne s’enseigne pas, s’apprend en la
pratiquant, et va dénicher des compétences chez les partisans historiques du bijou
contemporain. L’invitation de Roland Constant, Adjoint au Maire chargé de la Culture,
Conseiller Départemental des Alpes-Maritimes, sera donc l’occasion de faire un point sur ce que c’est qu’une “exposition de bijoux contemporains”. C’est une perche tendue, aussi, pour renouveler le pool de commissaires auquel la ville a fait confiance jusqu’à maintenant.
J’ai donc choisi de demander à 8 bijoutiers contemporains de prendre ma place et devenir commissaires à leur tour, de poser les bases d’une réflexion sur le bijou par l’exposition, en proposant une interprétation individuelle d’un champ créatif très diversifié. Exposé propose des condensés de réflexions, dont j’espère qu’ils seront amenés à être déployés ailleurs, plus largement."
Dans la perspective d’amplifier l’ouverture du commissariat d’exposition à de nouveaux talents, Louis Nègre, Sénateur Maire de Cagnes-sur-Mer, me propose en novembre 2016 d’assurer le commissariat de l’exposition d’été au Musée du bijou contemporain de la Ville. De fait, la programmation du lieu est intimement liée à une poignée de personnes. La diversité de leurs parcours est à l’image d’une activité qui ne s’enseigne pas, s’apprend en la pratiquant, et va dénicher des compétences chez les partisans du bijou contemporain : Olga Biró, qui a fait venir à Cagnes un réseau international d’artistes renommés et fait connaître à l’étranger ce lieu public unique en France
est galeriste, Frédéric Braham est artiste, Michèle Heuzé est historienne, Jo Bloxham est collectionneuse. Elles et ils sont tous “aussi” commissaires et ce sont eux, en France, qui ont servi d’interface entre une pratique souvent méconnue et un
visitorat de plus en plus curieux de ce qu’elle produit.
La question de l’exposition du bijou est complexe. On a souvent relevé la difficulté à montrer un ornement conçu pour le corps sans le corps, et pointé du doigt la double
occultation de ce petit objet dans un espace d’exposition public. Retiré au corps, il est aussi le plus souvent mis sous vitrine : à double distance, en quelque sorte, de son “habitat” naturel. D’où un certain désaveu de l’espace blanc - ou noir – des salles de musée. Quelque chose y manque ; elles constituent au mieux un pis-aller, sinon une déformation de la vocation de l’objet ; elles retirent au bijou son contexte et l’éloigne des corps qui lui donnent sens.
Pourtant le corps n’est pas une destination plus “naturelle” que le tiroir, la vitrine, le mannequin, le socle, la cloche de verre, le coussin de velours cramoisi ou la table sur tréteaux d’un marché d’artisanat : le bijou occupe également tous ces espaces, y fonctionne différemment. Il faut se demander aussi sur quel corps l’ornement sera montré - corps idéalisé, corps hétéro, corps de blanc, sain, musclé - et s’il est plus
intéressant de lui trouver des alliés dans la mode, l’art, le design ou l’artisanat. Les bijoutiers contemporains n’ont pas cessé de poser ces questions, et de chahuter les conventions de présentation du bijou : en invitant des corps dans l’espace de la galerie, en appelant au contraire de leurs souhaits l’aseptisation supposée de l’espace muséal, en transformant ces partis pris - et d’autres stratégies de monstration - en une
opportunité créative, ou le moyen d’un spectacle.
L’invitation de Roland Constant, Adjoint au Maire chargé de la Culture, Conseiller Départemental des Alpes-Maritimes, sera donc l’occasion de faire un point sur ce que c’est qu’une “exposition de bijoux contemporains”. C’est une perche tendue, aussi, pour renouveler le pool de commissaires auquel la ville a fait confiance jusqu’à maintenant. J’ai donc choisi de demander à 8 bijoutiers contemporains 4 de prendre ma place et devenir commissaires à leur tour, de poser les bases d’une réflexion sur le bijou par l’exposition, en proposant une interprétation individuelle d’un champ
créatif très diversifié.
– Trois de ces propositions se passent d’objets : Emmanuel Lacoste a demandé à 6 artistes-performers de se pencher sur le bijou - une discipline qu’ils connaissent souvent de loin - et de concevoir une performance spécialement pour ce projet. Des bijoutiers qu’elle a sélectionnés, Lilian Mattuschka a sollicité une interprétation orale d’une de leurs œuvres. La rencontre avec le bijou ne se fera jamais, et s’y substitue un chant de sirène en forme de confession d’artiste. Anneleen Swillen, quant à elle, a sélectionné des créateurs dont l’œuvre vit sur la toile : soit que cette œuvre n’existe que comme image, ou bien que son existence soit indissociable d’une diffusion par les réseaux sociaux. Ces trois propositions ont nécessité de repenser les modes
de rencontre visiteurs/œuvres dans l’espace Solidor. Elles nous ont aussi encouragé à créer une plateforme en ligne, sur laquelle l’ensemble des 6 propositions – vidéo et audio comprises – sont disponibles (cf paragraphe suivant) !
– Si les trois autres projets d’exposition sont classiques – dans le sens où sont présentés des objets sous vitrine - ils s’opposent eux aussi à certaines conventions du bijou : Larissa Cluzet, partant de l’invitation beckettienne à “rater encore. Rater mieux”, déjoue les attentes d’un art petit mais sûr de lui-même, et propose une lecture de l’ornement à l’aune de la défaillance. Kristin d’Agostino va puiser dans des gestes modestes, éphémères, les indices d’un renouvellement de l’hypercréative scène du bijou contemporain Néo-Zélandaise. Ann-Kathrin Hartel, Susanne Schwarz et Nadja Soloviev, constituées en collectif, ont souvent interrogé ensemble la question du double, si problématique en art, si peu discutée en artisanat : elles s’attaquent ici au rapport de co-dépendance complexe qui relie l’original, la variante et la copie."
Benjamin Ligne
Le site internet dédié à l’exposition !
Initiative très intéressante, un site internet présente l’ensemble de l’exposition : cliquez ici pour y accéder et trouver toutes les réponses à vos nombreuses interrogations sur le bijou contemporain !
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