L’exposition organisée à l’occasion de l’année de la Russie à Monaco est consacrée essentiellement à l’oeuvre des artistes russes qui ont quitté leur pays au début du XXième siècle ou ont été obligés d’émigrer après la révolution de 1917. La plupart de ces artistes sont passés par Paris et ont séjourné à Monaco et sur la Côte d’Azur.
De nombreux artistes russes de cette génération ont participé pleinement à la vie culturelle et artistique de la France et de Monaco. Ils faisaient partie, de façon incontournable, du panorama richissime de la culture occidentale des années 1920-1950. Tout en épousant l’identité artistique occidentale, ils ont gardé, néanmoins, leur altérité due à leur éducation artistique en Russie et à l’imprégnation par les traditions de la culture russe. On peut dire qu’ils se distinguent, en dépit de
leurs origines et de leurs provenances les plus diverses dans l’immensité de l’Empire russe - celles des métropoles brillantes ou celles des minuscules localités juives - par un fait simple mais capital : celui d’avoir lu Pouchkine dans sa jeunesse, c’est-à-dire d’avoir grandi dans une perception du monde particulière transmise par la langue russe.
Certains d’entre eux, comme Vassili Kandinsky, Alexeï Iavlensky, Marc Chagall et Chaïm Soutine, ou encore Léon Bakst, le célèbre décorateur des Ballets russes, ont acquis une gloire universelle, mais les autres, non moins doués pourtant, sont restés jusqu’à présent dans l’ombre.
Néanmoins, les artistes russes en exil ont apporté une contribution considérable soit dans le parcours des avant-gardes et de l’art abstrait soit dans celui de l’art figuratif, y compris le réalisme poétique et l’art néo-classique des années de l’entre deux-guerres et dans la période qui suit la Seconde Guerre mondiale. Leur
contribution fut décisive non seulement dans le développement de l’Art Déco mais aussi dans la formation du design moderne en général. Mais qui, en dehors de certains spécialistes, de quelques marchands et de rares collectionneurs, se souvient maintenant de Georges Annenkov, de Léopold Survage, de Serge Férat, de Serge Ivanoff, de Pavel Tchélitcheff, de Marie Vassilieff, de Léonide Freschkopf et de plusieurs autres ?
Les expositions rétrospectives récentes de Natalia Gontcharova, de Alexandre Iakovlev, de Alexandra Exter, de Boris Grigoriev, de Kasimir Malevitch, de Sonia Delaunay ont permis au large public russe et occidental de découvrir de grands artistes de portée internationale et ont montré clairement l’importance de la contribution du génie russe et de la spécificité de la tradition russe dans la formation de l’art du XXième siècle.
En effet, la liberté et l’audace, caractéristiques de l’art russe dans l’interprétation de l’héritage des maîtres anciens, des primitifs, de l’art populaire, ont influencé profondément le cours de cet art.
L’objectif de l’exposition est de commencer, enfin, à combler cette lacune, de faire connaître au large public européen toute une couche vaste de l’art russe, encore peu connue mais qui reste toujours vivante et présente dans l’héritage culturel de l’Europe. La collection réunie par Tatiana et Georges Khatsenkov rend hommage à cet art dont Monaco, Côte d’Azur, Paris étaient les lieux d’élection, les endroits privilégiés de la féerie de la création artistique.
Sans aucun doute, pour le large public d’aujourd’hui cette exposition sera une découverte passionnante de toute une pléiade de créateurs remarquables de l’art moderne.
XENIA MURATOVA
Historienne d’art,
professeur émérite des universités françaises,
présidente du Centre international d’études « Pavel Muratov »
Commissariat général d’exposition
Xénia Muratova, professeur émérite des universités françaises, présidente du Centre international d’études « Pavel Muratov »
Frédéric Ballester, directeur du Centre d’Art la Malmaison, Cannes