Jean-Christophe Béchet propose un regard photographique sur l’Afrique de l’Ouest, avec la série Tombouctou, peut-être… Un territoire désertique, entre le Nord Cameroun et le Mali, aujourd’hui meurtri par les guerres.
La seconde série intitulée Discontinué… est un hommage aux films Polaroids 665 qui n’existent plus aujourd’hui. À l’heure du numérique, cette série en noir et blanc est le souvenir d’un passé photographique et une évocation de paysages eux aussi discontinués.
TOMBOUCTOU, PEUT-ÊTRE …
Ce volume aurait dû être le premier de mes « Carnets ». C’est en effet sur les rives du fleuve Niger que j’ai senti que je devenais photographe. C’était il y a 25 ans, à l’été 1987, entre Mopti et Gao. Muni de mes deux Minolta X700, je voyais le chaos du monde s’organiser dans mon viseur… J’avais 23 ans. Mes premières années photographiques furent africaines. Après ce premier voyage dans le Sahel de 1987, il y a eu un long séjour au Cameroun, et puis un lent retour, en 1990, en auto-stop, à travers le Sahara vers la France. J’ai voyagé au contact de ceux qui espèrent commencer une nouvelle vie, au Nord, en Europe. Pour moi, il s’agissait de retrouver Marseille, ma ville natale. Je voulais revenir doucement, et arriver en bateau depuis Alger, soeur jumelle de Marseille…
Jean-Christophe Béchet
DISCONTINUÉ…
A l’automne 2006, j’ai vu apparaître sur les boites bleues des Polaroid 665 une étiquette jaune. En cinq langues, elle annonçait la mort prochaine de ce film. Dans l’industrie, on ne dit jamais qu’un produit est arrêté, on dit qu’il est « discontinué ». Polaroid est une des grandes victimes économiques de l’essor du numérique. Le Pola n&b 665 était le seul film (avec son grand frère, le PN 55 lui aussi « discontinué ») qui délivrait instantanément un négatif en plus du petit « pola » traditionnel. Une fois lavé et séché ce négatif de 8x10cm pouvait être utilisée comme n’importe quel négatif n&b de grand format. Son rendu esthétique était exceptionnel. Souvent abîmé lors du développement instantané, encaissant mal les variations de températures, doté d’une chimie capricieuse, le Pola 665 possédait une personnalité unique. Depuis ses bords délicatement voilés jusqu’à la douceur et la finesse de son grain même, le 665 était unique.
Son utilisation m’obligeait à utiliser une grosse camera métallique. Avec cet équipement, je m’étais lancé dans une série de paysages, notamment en montagne. J’aimais emporter ce matériel capricieux et rustique sur les chemins de randonnée. J’ai toujours tendance à penser que c’est avec un appareil lourd et contraignant que l’on fait des images qui ont elles-mêmes du poids… A l’heure du numérique où justement tout paraît infini, gratuit, léger, volatile, je me retrouvais dans une économie restreinte, avec la nécessité de penser chaque vue.
Et puisque le film était discontinué, j’allais aussi photographier ce sentiment de « discontinuité ». Le hasard des voyages m’a emmené en Islande. Et quoi de plus discontinué qu’un Geyser ? Ou qu’une cascade qui « coupe » brutalement l’écoulement d’une rivière ? En montagne, j’allais maintenant chercher les fortifications abandonnées, vestiges « discontinués » des dernières guerres. N’étant pas d’une nature mélancolique, je ne me suis pas laissé emporter par une nostalgie passéiste. Au fur et à mesure que je finissais mes derniers Pola 665, ma tristesse s’évaporait. Toute vie, tout bonheur n’est-il pas discontinué ? Du coup, c’est avec une vraie jouissance que j’ai terminé cette série. Finis mes doutes, mes hésitations (ai-je assez d’images ? Ne faudrait-il pas encore aller à Zanzibar, Tombouctou ou Valparaiso ?). Là tout est net : c’est le fabricant qui a décidé et cette contrainte me va finalement très bien. J’ai pris du plaisir à délivrer au compte goutte mes dernières vues. Je recherchais des discontinuités mystérieuses, cachées, aléatoires, je privilégiais les espaces où cette matière unique du film 665 me semblait pertinente. Et c’est ce voyage de deux ans, au coeur de la « discontinuité », que je vous propose ici de partager. Sans nostalgie, ni mélancolie (ou alors si peu…)
Jean-Christophe Béchet.
L’exposition de Jean-Christophe Béchet et le stage photographique sont le fruit d’une collaboration entre l’Espace Soardi et La Manufacture Photographique.
L’Espace Soardi à Nice a été créé en juin 2011 par Benoît & Géraldine Soardi, frère & soeur issus d’une famille d’encadreurs depuis 1970. L’équipe d’encadreurs met au
service des amateurs d’art et des institutions muséales son savoir-faire et sa culture en matière d’encadrement et de conservation préventive des oeuvres d’art. Parallèlement à
cette activité d’encadreur, les dirigeants proposent une programmation d’expositions temporaires dans son espace galerie mais aussi un "Art Store" avec un choix de sérigraphies, photographies d’art et d’objets design.
La Manufacture Photographique est une association niçoise créée en 2015 par Stéphanie Jaubert et Stéphane Possamai. Cette association a pour but de promouvoir la photographie au travers de l’organisation de stages et d’expositions dans les Alpes-Maritimes. Initiée par une première collaboration avec le photographe Eric Bouvet en 2014, l’organisation de stages et d’expositions se pérennise en 2015 en ayant pour leitmotiv de faire intervenir de grands noms de la photographie actuelle.