La Fiancée du Collectionneur
Elle était grande, elle était blonde, c’était la fiancée du collectionneur. Je lui fais des hanches nourricières (en plus des fesses, j’aime les hanches des femmes), des épaules de nageuse (je suis nageur), les cheveux Jaune de Naples (je suis blond) et un casque colonial du bush Africain (je suis né au Cameroun). Autant peindre les filles qu’on aime baiser. Les stéréotypes ont la peau raide, leur surface est plaqué or.
La fille désirable est donc blonde, pulpeuse, les seins pointent durs, ses lèvres sont rouges et brillent.
La fumée me passe par les doigts. Je peins avec du sucre.
J’entretiens un lien direct avec mon enfance. J’y suis quand je veux. Quand je pense nuage, je l’imagine bleu. En peinture les montagnes sont toujours bleues. L’enfant sur la plage dessine le nuage bleu. Le ciel est bleu aussi et la mer en dessous est bleue pareillement mais plus profonde. Au milieu c’est « vide », c’est le blanc du papier qui ne demande rien. J’ai mis du temps à peindre des paysages. Je n’ai aucun problème avec le vent, la mer, l’herbe, les vaches, tout ça. Quand ils arrivent dans la peinture, ils sont là pour poser une scène. La Chute d’Icare est un bon exemple. Le sujet est passé sous l’eau, seul les pieds ridicules et les mollets ardents sont visibles en bas à droite. En attendant, chacun des détails du paysage permets le plongeon.
L’art est compensatoire.
La peinture ne cherche pas à dire quelque chose. Il s’agit d’un moment. Il faut se pincer pour y croire ! Sans déconner, la peinture c’est rien d’autre que de se pincer pour y croire. Il y a l’Histoire et la petite histoire, mais en vérité, il s’agit toujours d’une sensation qui se dérobe pour se renouveler ailleurs et autrement. On se cache derrière les images des autres pour apparaître plus grand. Le reste c’est de la conversation. Il faut bien que d’autres s’amusent, seul, on n’existe pas. Ici, le ciel est bleu comme ses nuages, et dans le vent la Fiancée tire Le Collectionneur. L’objet de la figure est sa présence, son apparition est son effet. Ne cherchez pas ailleurs. L’enfant commence par dessiner ce qui lui paraît essentiel, les bras, les jambes, la tête, et il s’émerveille.
J’ai grandi et je peins ce que j’aime : les seins, les yeux, les queues de billards, les trous du cul et les hanches, des scaphandriers et puis parfois des chiens – il faut toujours peindre les choses que l’on désire – ou alors les choses que l’on déteste.
Je préfère peindre de jolies filles. Il arrive que la peinture les peigne laides, mais moi, je les peins belles. La peinture décide parfois autrement parce qu’autour d’une fille, il se passe toujours quelque chose que l’on n’anticipe pas. Dans la vie, c’est pareil. Il faut que la nana se plaigne un peu pour que le tableau tourne, elle fait la moue, une grimace, et on craque. En cherchant l’air de l’hôtesse, on perce l’air du tableau dans son fond. En forçant les stéréotypes, le naturel explose. À force de faire le geste, il part tout seul.
Gregory Forstner