Joseph Dadoune vit la plupart du temps en Israël entre Tel Aviv et Ofakim (Horizons, en hébreu) une petite ville de développement des années 50 proche de la bande de Gaza, un habitat post-corbusien bâti pour loger les émigrants venant surtout du Maroc.
Son enfance au sein de cultures métissées : bédouine, arabe, juive marocaine, est marquée par une recherche d’identité et de questionnements sur le territoire, la périphérie, le judaïsme, les tensions liées à la guerre toujours menaçante.
- Black Palms
- © Joseph Dadoune
Les paysages désertiques d’une région particulièrement ensoleillée où les maisons sans fenêtres plongent dans un noir profond quand on y pénètre. Elles ont inspiré ce nouveau travail. Un autre moteur de son désir d’obscur est le rejet, le refus de toutes ces images qui saturent notre univers, qui s’imposent en manipulant nos consciences.
Joseph Dadoune nous propose de revenir à la simplicité du noir, où la parole peut doit remplacer l’image pour peut-être s’entendre.
Les tableaux présentés au premier étage de la galerie Eva Vautier semblent tout noirs. Ils révèlent quand on les approche, des formes presque imperceptibles. Quelque chose est là qu’on a du mal à voir, qui nécessite une attention, une réflexion.
On pourrait penser au travail de Soulages, mais nous sommes ici dans un registre différent. Ni le jeu rétinien, ni l’espace qui sépare tableau et regardeur n’intéressent Dadoune, il s’agit plutôt pour lui de nouer l’image photographique et son rapport à l’instant.
Car ce qui distingue la photo du dessin et de la peinture, c’est son instantanéité. C’est en cela qu’elle a d’abord à voir avec le temps, avec l’histoire. Devant une photo-graphie (écriture avec de la lumière), on est toujours en présence d’une temporalité arrêtée. Elle est toujours au passé. Elle est la preuve de quelque chose qui a existé (les premières images ont été réalisées pour immortaliser un événement).
Au contraire du discours qui nécessite une syntaxe particulière, l’image photographique n’est réductible à aucune langue, à aucun système de signes. Elle s’ouvre à toutes les interprétations, s’impose avec brutalité, universellement, d’où sa force et ses dangers.
Joseph Dadoune la détourne en l’associant à un noir profond, un presque rien qui est pourtant relié à des réalités concrètes, reconnaissables : des palmes, symboles du pays, des lignes, des superpositions de feuilles de papier noir, des topologies, le trajet d’un tunnel reliant Gaza à l’Egypte...
- Black Tunnel
- © Joseph Dadoune
Les images, pour sombres qu’elles soient, ne sont jamais neutres. Elle prennent parti, sont là pour créer un choc, un conflit, mais aussi pour instaurer un dialogue.
Photo de Une : Black Museum © Joseph Dadoune