Si Versailles m’était conté...
J’ai envie de dire un sentiment mitigé entre la curiosité et le doute que cela puisse fonctionner avec l’architecture ingrate et omniprésente de ce lieu, en tout cas loin de tout ce que ses prédécesseurs (Jeff Koons, Xavier Veilhan, Murakami et Bernard Venet) tentèrent de véhiculer à travers leurs œuvres, à savoir l’image d’une haute opinion de la responsabilité qui leur était incombée.
L’exposition de Joana Vasconcelos aurait même déclenchée des réactions positives parmi le public, que dis-je le grand public venu des quatre coins du monde. « Le château de Versailles est l’endroit rêvé pour rendre hommage à l’audace esthétique de cette époque et assurer une continuité avec l’histoire », souligne t-elle. Ce qui n’a en rien convaincu les associations de soutien au château. L’art contemporain "officiel" (dans officiel, j’entends l’art soutenu et entretenu grassement par l’Etat et nos "chères" institutions culturelles) est à leurs yeux sacrilège dans un tel lieu de mémoire.
Quoique l’on en dise, l’ex-maître du château Jean-Jacques Aillagon, également initiateur du projet Vasconcelos, en a toujours tenu compte. Mais cet art du dosage et du compromis ne l’a pas empêché d’être la cible d’une pluie de noms d’oiseaux. Sa remplaçante Catherine Péguet s’est calée, elle aussi, sur la même ligne de prudence en refusant l’entrée de A Noiva (la Mariée), œuvre polémique de l’artiste portugaise constituée de 25 000 tampons hygiéniques et formant un lustre de 5m de haut ayant fait fureur à la Biennale de Venise en 2005.
A partir de là, on aura compris que la thématique de la femme emprunt d’un discours féministe light « Ce n’est pas un plaidoyer contre les hommes » assure t-elle, est au cœur de ses travaux herculéens. Voir ses gigantesques et chamarrées installations en textile telles que Mary Popins vêtue de brocarts inspirés des tissus destinés aux châteaux et palais de l’époque, Marilyn avec ses escarpins composés de casseroles ou l’étrange Lilicoptère avec d’un côté l’opulence esthétique de la royauté et de l’autre le symbole de l’oiseau-machine paré de ses plus belles plumes pour voler et s’échapper du carcan de Versailles.
Et puis il y a Marie-Antoinette et toutes ces favorites de la Cour, d’apparence libres et indépendantes mais dont dit-elle « Le château de Versailles ressemblait à une prison dorée. » Joana Vasconcelos s’en est emparé pour parfaire l’image de la femme et de ses multiples facettes. Doit-on la clouer au pilori pour cela ? A vrai dire, elle ne s’en sort pas si mal même si sa belle audace a parfois ses ratés comme ses quelques sculptures exposées en extérieur, noyées par la magnificence des jardins.