Pratiquement dans chacune des salles du Musée, une seule œuvre est accrochée, ce qui évite des alignements en enfilade et des accumulations, et permet ainsi au visiteur de bien se concentrer sur chaque toile exposée aussi immense soit-elle. Car, pour la plupart ce sont de grandes œuvres et donc à voir avec un certain recul. Ainsi les conditions sont optimales pour une visite inhabituelle en douze étapes permettant d’absorber totalement chaque œuvre dans sa singularité et dans toute sa splendeur magique.
Né à Barcelone en 1893, Miro convainc ses parents de son désir de devenir peintre, après une vaine tentative d’études de commerce.
Dès 1920, il vient à Paris et c’est la révélation du monde de l’art. D’abord dans les musées, puis dans les rencontres et enfin devant une toile.
Il suffisait d’un rien, une brindille, un bout de ficelle, un éclat de lumière ou autre, pour enclencher son imagination, une chose en entrainant une autre. Sa peinture lui permettait d’échapper à la pesanteur, lui qui était, paraît-il, un grand marcheur.
Avec Klee, Duchamp, Dali, Kandinsky et Mondrian, Miro fut un des seuls peintres modernes qui le restera longtemps : sa modernité l’ouvre à la conscience de dimensions inconnues du monde.
En 1948, le célèbre galeriste Aimé Maeght organise la première exposition de Miro à Paris et il le représente dans toute l’Europe, tandis que le peintre se lance, en 1970, dans de nouvelles recherches avec de grands formats et des sculptures monumentales qui ne perdent rien de son imagination surréaliste.
Miro entraîne chaque spectateur dans un univers où il encourage chacun à laisser libre cours à son imaginaire.
Il nous donne à sourire, sinon à rire ! Car son humour est permanent. Et s’il nous fait rêver, c’est toujours joyeux ! Il ne cherche pas à faire rire, mais rien n’échappe à sa dérision et il laisse chaque visiteur réjouit de ce partage insolite et onirique.
Sans perdre son humour, Miro a vite conçu une vue aérienne de la vie
Ainsi en dessinant des trajectoires d’oiseau, Miro nous fait voler.
Dans une simplification du dessin, les animaux et les objets désobéissent à toutes les règles du réalisme, en changeant non seulement de forme, mais aussi d’échelle. Le conflit entre le dessin et la peinture semble aboli, imposant une magie d’écriture figurative nouvelle et fort fantaisiste.
En devenant quelque chose de vivant, un arbre se transforme en personnage simplement parce qu’il a un œil ou une oreille.
Avec ses « peintures de rêve », l’œuvre picturale de Miro s’envole tel un lâcher de ballons de baudruche. Ainsi, une étoile vient visiter une sorte de personnage incongru : une tête et des pieds rejoint par une simple ligne droite. Il y a « Femme dans la nuit », mais aussi, totalement différent, « Oiseau dans la nuit », des toiles qu’il a du imaginer au cours de ses rêves nocturnes. La même femme, vraiment très stylisée, est aussi visitée par une étoile. Tout autant onirique est la « Femme au chapeau rouge ». Mais encore « Oiseau éveillé par le cri de l’azur s’envolant sur la plaine qui respire ».
Les titres de ses peintures sont de brefs poèmes illustrés par la poésie de sa peinture surréaliste. Si Miro tire son inspiration de ses rêves, il donne à chaque visiteur la possibilité de rêver à son tour sans attendre le sommeil de la nuit.
La visite de l’exposition actuelle au Musée Picasso d’Antibes est donc un véritable moment de plaisir.
Caroline Boudet-Lefort