La série de tapisseries ‘La Chasse à la licorne’, dont on pense qu’elle a été tissée aux Pays-Bas au début du XVème siècle, illustre en riches détails l’histoire d’un groupe de chasseurs et de leurs chiens à la poursuite d’une licorne, jusqu’à sa capture et sa mort. Souvent considérées comme une allégorie de la crucifixion et de la résurrection issue de la théologie chrétienne, ces tapisseries dépeignent un monde dense et onirique peuplé de centaines d’espèces animales et végétales où prolifèrent les écosystèmes de prédateurs et de proies.
Mark Bradford reconstruit ce paysage en accumulant des couches de papier et de mastic qu’il façonne à l’aide de techniques caractéristiques de son oeuvre telles le ponçage, la déchirure et l’oxydation.
En disséquant l’héritage historique d’une des oeuvres d’art les plus appréciées d’Europe, Mark Bradford souligne les parallèles entre le monde contemporain et « l’Âge Sombre », insistant sur les personnages relégués aux marges de l’histoire, souvent les derniers à recevoir aide et réconfort en période trouble.
Attiré par la tapisserie médiévale pour son rôle de medium narratif privilégié des puissants pour consolider leur interprétation d’événements historiques – ce que Mark Bradford qualifie de bandes dessinées de l’ancien temps – ici l’artiste réinterprète leur mode d’exposition et troque les grands salons des châteaux
européens pour une installation sombre et immersive à la galerie Hauser & Wirth de Monaco. Les tableaux sont posés sur les murs couverts d’une oeuvre en papier in situ, et des globes noirs passés à l’eau de Javel représentant les différents continents sont suspendus au plafond pour occulter la lumière
naturelle provenant d’un puits de lumière. De tailles variées, ces globes font allusion aux innombrables circonstances sociales, politiques et économiques que chacun peut rencontrer dans le monde.
Le titre de l’exposition, ‘Nobody Knows the Trouble I’ve Seen’, est emprunté à un chant spirituel interprété par les Africains réduits en esclavage aux États-Unis d’Amérique aux XVIIe et XVIIIe siècles.
En omettant d’identifier le « je » nominal, Mark Bradford ne fournit pas de réponses, d’explications ou de prescriptions, laissant l’impact sociocritique de l’oeuvre découler de sa résonance matérielle et thématique
Mark Bradford (né en 1961 à Los Angeles) est un artiste contemporain connu pour ses tableaux abstraits à grande échelle créés à partir de papier
Caractérisée par sa complexité formelle, matérielle et conceptuelle à plusieurs niveaux, son oeuvre explore les structures sociales et politiques qui objectifient les communautés marginalisées et les corps des populations vulnérables. Après avoir accumulé plusieurs strates de papier sur la toile, Mark Bradford creuse leur surface en utilisant des outils électriques afin d’explorer les structures
économiques et sociales qui définissent les sujets contemporains. Sa pratique inclut la peinture, la sculpture, la vidéo, la photographie, la gravure et d’autres mediums. Outre sa pratique de studio, Mark Bradford s’engage dans des projets sociaux et des expositions visant à affranchir les idées contemporaines des espaces d’exposition traditionnels et de les présenter à des communautés dont l’accès à l’art reste limité. Mark Bradford a reçu son BFA du California Institue of the Arts (CalArts) en 1995 et son MFA de la même université en 1997. Depuis, l’artiste a été exposé à travers le monde et a reçu de nombreuses récompenses.
Des expositions personnelles récentes ont été organisées au Serralves Museum of Contemporary Art, chez Hauser & Wirth Menorca, au Modern Art Museum of Fort Worth, chez Hauser & Wirth London, au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington DC, et au Long Museum West Bund de Shanghai.