"Guy Rottier, archives du futur", un stimulant intitulé qui colle parfaitement à cette exposition de Guy Rottier, l’une des figures artistiques et architecturales les plus originales de la seconde moitié du XXe siècle.
Né en Indonésie, d’origine néerlandaise, passionné d’architecture dès son enfance (voir ses premiers dessins), Guy Rottier a parcouru le monde.
Collaborateur de Le Corbusier avant même la fin de ses études d’architecture, chargé des travaux de l’Unité d’Habitation de la célèbre Cité Radieuse de Marseille, un bâtiment resté une référence, il a travaillé avec Jean Prouvé, Bodiansky, André Sive, Marcel Lods, etc.
Agitateur d’idées, il a participé aux principaux mouvements de réflexion sur l’architecture comme le GIAP (Groupement International d’ Architecture Prospective crée par son ami Michel Ragon), de la COMPLES 1970 (Coopération Méditerranéenne Pour L’Energie Solaire), fondateur du groupes des Conspiratifs, Rottier a enseigné en Syrie et au Maroc avant de venir s’installer dans la région niçoise à partir de 1987.
De Jean Prouvé, il a appris l’étude approfondie du détail, « sans lequel l’ensemble n’est rien », du Corbusier, que « l’homme doit être au centre des préoccupations, puisque c’est pour lui qu’on construit », de Bodiansky « qu’il fallait beaucoup apprendre et tout oublier pour pouvoir inventer », et de Antti Lovag, l’auto-construction, grâce aux extraordinaires techniques actuelles.
Lié à l’Ecole de Nice dont il est le seul architecte (il a réalisé la maison d’Arman), précurseur, touche à tout de génie, créateur de nouvelles formes remettant en question les manières d’habiter, de voyager, de vivre, bousculant la vision même de l’architecture, il a été soucieux de l’environnement bien avant qu’il soit un thème prédominant.
À l’instar de tous ses maîtres et amis, l’Anarchitecte a inventé de nouveaux types d’habitations : maisons paysages, maison îles, maisons volantes, maison sœufs, maisons roulantes, maisons sous forme de corps d’animaux, maisons en bottes de pailles, maisons de vacances qu’on brûle après l’été, maisons en matériaux de récupération (maisons autobus, en boîte de conserve, etc.), et beaucoup d’autres réjouissantes réalisations à découvrir dans l’exposition.
Créateur aussi de mobilier, de bijoux, d’échiquiers, de mobiles, de lumiducs capables d’amener la lumière sous terre, il aura été précurseur dans de nombreux domaines : « Je me situe partout où le mot ArTchitecture s’écrit avec un T, en dehors des lois et contraintes artificielles qui bloquent les esprits ».
Son désir de « montrer qu’il y a des chemins de traverse merveilleux et insoupçonnés à découvrir » a été humoristiquement illustré par les dessins de son génial ami Reiser qui a popularisé plusieurs de ses projets dans Charlie et dans ses expositions.
Homme effervescent débordant d’idées, d’inventions dans de nombreux domaines, ses propositions rencontrent un accueil particulièrement intéressé en France et à l’étranger.
À ce jour, plus de 60 expositions dans de nombreux pays ont jalonné son parcours. Nombre de ses dessins et maquettes sont exposées au Centre Pompidou au Frac d’Orléans, au Musée d’ Art Moderne de Nice, à l’Académie d’Architecture à Paris, à la Fondation Claude Nicolas Ledoux d’ Arc et Senans, et aujourd’hui, au Forum qui présente sous la direction éclairée de Yves Nacher une mise en perspective de son œuvre à travers son processus de création.
Quatre axes ont été déterminés : son « parcours singulier » de Sumatra à Nice, « les chemins de la pensée », qui tentent de retracer comment une pensée s’élabore, « les formes concrètes », celles qu’il a réalisées, et surtout « les formes rêvées », toujours d’actualité, en attente de futur.
Ces quatre approches très documentées grâce aux nombreuses archives et documents confiées à la Ville de Nice par sa fille Odette, nous permettent d’admirer transversalement la richesse de son imagination et l’originalité de ses propositions.
L’organisateur de l’exposition a eu aussi la riche idée de demander à des architectes niçois, qui pour beaucoup ne l’ont pas connu, des petits textes témoignages de leur intérêt pour un aspect de l’œuvre ou du parcours de Rottier.
Ainsi Michel Benaim a évoqué poétiquement le regard et la tendresse de Guy pour le Maroc où il a enseigné plusieurs années, Brendan MacFarlane, sa « jubilation dans la mise en scène de ses capacités techniques à libérer les formes », Rafaël Magrou, sa « posture poétique en réponse à la question : "S’il te plait, dessine-moi une maison" », Stéphanie Marin, le constat qu’il « faut faut beaucoup rêver pour fabriquer la réalité ! »…
En parallèle de cette exposition, une programmation d’événements associés (conférences, conversations, actions pédagogiques, visites d’architecture, médiations thématiques).