On apprécie ce film d’une Amérique marginale, bricolée loin de l’univers de Donald Trump, avec un montage dans un désordre du style de Zulawski ou de Cassavetes, au risque de déconcerter plus d’un spectateur, bien qu’impossible de ne pas ressentir une forte émotion face à ces marginaux, à ces laissés-pour-compte déclassés dont l’hystérie est bien russe.
Inspiré par un boulot fait dans sa propre jeunesse tandis qu’il étudiait la langue (il arrivait aux USA) et le cinéma, Kirill Mikhanovsky tenait à tourner son film à Milwaukee où vivent plusieurs communautés ethniques.
La ville ne lui a pourtant pas facilité les choses, ni aidé financièrement, mais il voulait retrouver quelque chose d’une réalité passée, son propre théâtre d’anecdotes drôles et, néanmoins, très touchantes. Ayant une idée précise pour interpréter ses personnages, il ne trouvait aucun comédien correspondant à chacun d’eux, il a donc choisi des non professionnels, souvent des handicapés qui ajoutent encore plus d’authenticité à son scénario.
Pour Kirill Mikhanovsky, le rêve américain est celui que chacun porte en soi en arrivant aux Etats-Unis.
Rêve dont l’existence ne pourrait alors être dénigrée, comme on a tendance à le faire aujourd’hui. Ainsi, le film a, en profondeur, une couche politique, quoiqu’il reste sur le ton de la comédie avec des catastrophes imprévues toujours acceptées joyeusement.
Malgré ses personnages handicapés et le tragique de nombreuses situations, on rit souvent dans ce film pagailleur sur un petit monde de marginaux Russes ou Afro-Américains entre enterrement, beuverie, réunion familiale, émeute, absurdes déménagements de canapés....
Après « Sonhos de peixe », sélectionné en 2006 à la Semaine de la Critique à Cannes, Kirill Mikhanovsky a présenté cette année « Give me liberty » à la Quinzaine des Réalisateurs où le film a obtenu un succès bien mérité pour les émotions qu’il suscite.
Caroline Boudet-Lefort