Sur la sphère intimiste du carnet à dessin ou sur les vastes champs colorés de la toile, Gérard Traquandi restitue l’impression de la nature, le saisissement du paysage.
Été méridional, été du Sud des peintres qui ont forgé son regard, été et sa lumière unique, ici retranscrite. Le plasticien, qui vit entre Paris et Aix-en-Provence, affirme que la lumière doit venir du tableau et nous invite à nous y
exposer. Par une sélection de dessins, d’aquarelles, de peintures et de céramiques, c’est toute la richesse de son travail qui se déploie et témoigne de son œuvre d’alchimiste, entre ravissement figuratif et respiration dans la couleur pure, entre maîtrise technique et jeu avec le hasard.
Au seuil des années 2010, Gérard Traquandi forge une méthode pour, dit-il, « se libérer de son propre geste », éviter la touche, et mettre l’expressivité à distance. Il travaille à plat de fines couches de glacis, plaque sur la toile une feuille de papier chargée de peinture, puis l’en retire. Il cherche l’accord coloré, affine scrupuleusement sa technique pigmentaire, tout en laissant l’accidentel entrer dans la danse. Ces all over impressionnants transcrivent l’impression primaire de la nature, l’aléa climatique, tout en se parant de couleurs irréelles, des verts industriels, des pourpres mystérieux, des roses à la De Kooning ou à la Guston. Le tableau ne restitue pas l’intériorité de l’artiste : il est une surface ondoyante – aquatique ? minérale ? réverbération chaude ou surface enneigée ? –, une peau, et, au-delà, une chair.
Traquandi ne s’interpose pas entre le spectateur et l’œuvre, et ce n’est d’ailleurs pas simplement à la vue que s’adresse son travail, mais au sujet incarné tout entier.
On comprend dès lors que sa pratique s’épanouisse naturellement dans la sculpture et dans la céramique, support qui dit son attachement au sol et à
la terre, à la trace, à l’empreinte laissée par le corps.
L’exposition « Gérard Traquandi, D’un été l’autre », qui se tient à la galerie Catherine Issert du 1er juillet au 23 septembre 2023, donne à voir cette grammaire du sensible en présentant des dessins, des aquarelles, des peintures et des céramiques. L’été méridional est célébré à Saint-Paul de Vence, celui du Sud mythique dont se sont emparés Matisse et Bonnard, lesquels ont nourri le regard de l’artiste marseillais qui a dessiné l’Estérel, la Corse, le Lubéron ou la Toscane. Sud de la lumière avant tout, au cœur d’un lieu baigné de clarté. Pour Gérard Traquandi, évoquant les primitifs italiens, la lumière doit venir du tableau. Et les regardeurs de s’y exposer, s’abandonnant ainsi au saisissement de la nature.