Frank Horvat au TPI
La maison aux quinze clefs
Frank Horvat accompagne l’histoire de la photographie depuis plus de 70 ans. Souvent, il en a même été un des précurseurs en osant la couleur ou en s’appropriant très tôt le numérique.
De parents juifs d’Europe centrale fuyant le nazisme (père médecin, mère psychanalyste), il a vécu en Suisse, en Angleterre, aux USA. Il fait des études de dessin, tente l’écriture, travaille dans une agence de pub, avant de se consacrer à la photo.
Sa rencontre en 1950 avec Cartier-Bresson a été déterminante : "il a regardé mes photos à l’endroit, puis à l’envers avant de me déclarer que ce que je faisais n’avait aucun intérêt. Il avait l’air de savoir ce qu’il disait et j’ai senti qu’il avait raison. Il m’a fallu ensuite pas mal de temps pour comprendre qu’une œuvre, pour être bonne, doit être juste sur plusieurs plans en même temps".
Horvat voyage dans le monde (deux ans en Asie, en tant que photojournaliste indépendant) avant de s’installer à Paris en 1955.
Photojournalisme, reportage, mode, voyage, il aborde tous les styles. Il publie aussi plusieurs ouvrages sur les Arbres, New York, sur les « Vraies Sembances » et un livre important d’entretiens avec des grands photographes (Boubat, Doisneau, Newron, Sarah Moon, etc.).
Le travail d’Irving Penn, notamment, le fascine, il admire son respect infini pour les objets : "Penn a fait des photos de cigarettes écrasées, objets méprisés et méprisables qu’il a approchés avec une chambre de façon à ce que chacune des molécules soit nette, lui conférant une noblesse à laquelle on une pensait pas".
En 1999, son journal photographique d’une année rencontre un grand succès. Explorant les mystères et les émerveillements du quotidien, il développe une œuvre multiforme caractérisée par une grande maîtrise technique et un goût pour la ligne, la composition.
Entre 2002 et 2004, une étude riche de références et d’associations d’idées intitulée : "La Véronique", est composée uniquement de photos réalisées dans son jardin, dans les 30 mètres autour de sa maison de Provence.
À 83 ans, il sera le premier à créer une application iPad contenant 2000 photos, des textes, des vidéos, etc., où chaque image est contextualisée. Complétée par une multitude de références, cette appli permet "d’errer dans mon univers artistique comme dans un labyrinthe".
De ses premiers clichés aux photos documentaires, l’exposition du TPI compte 200 photos organisées autour de dénominateurs communs qu’il appelle "clefs" : "Mode dans la rue", "Lumière", "Entre deux", "Photos cons" (qui ne montrent leur intérêt que dans un deuxième temps), ou "Des gens comme toi et moi". Des textes sont bien ciselés où chaque thème est éclairé et mis en perspective.
Parmi ses nouveaux projets, il a l’intention de retracer son histoire en vidéo, de retrouver l’esthétique dans une image qui dure.
